Le 28 mai 1979 sort le premier album de Trust, un peu plus d'un an après le crash du pétrolier Amoco Cadiz sur les côtes bretonnes et deux ans avant celui de la droite conservatrice de Giscard d'Estaing. Pour certains, ce disque sorti après l'explosion punk arrive un peu tard mais pour moi, il tombe très bien. J'ai 13 ans cette année-là et il représente la révolte, la colère face à un système manipulateur qui nous ment depuis les bancs de l'école primaire jusqu'à la retraite, en passant par le journal TV de 20 heures et les leçons de morale des parents.
En 1978, après l'échec du single Prends pas ton flingue/Paris By Night (EMI - Pathé Marconi), Mohamed Chemleck, guitariste rythmique aux côté de Norbert 'Nono' Krief, quitte le groupe. Trust signe avec CBS qui met le paquet question promo. Passages télé, avant même de sortir quoi que ce soit, puis un premier single en 79, Le Matteur, qui ne connait pas un grand succès. Darquier, en face B, dénonce le rôle de la France de Vichy à travers l'histoire du collaborateur Louis Darquier de Pellepoix, haut commissaire aux affaires juives sous Pétain. Enfui en Espagne à la fin de la seconde guerre mondiale, il essaiera de nier avoir eu connaissance du sort de ceux qu'il envoyait à la mort, en vain. Le single suivant, L'Elite, défonce tout. Cette fois, Bernard 'Bernie' Bonvoisin, crache sur le système bolchévique et l'entrée des chars soviétiques dans Prague en 1968. Suivent des concerts à travers tout le pays et de nouveaux passages à la télévision.
Là encore, on raconte que c'est un peu tard pour le Punk et que Trust est un groupe commercial opportuniste qui surfe sur la vague 'Hard Rock' popularisé par le succès d'AC/DC à cause des reprises de Love At First Feel/Paris By Night en face B du premier single et de Ride On présent sur cet album. D'ailleurs, la presse le qualifie de groupe de Hard Rock ou de Hard Punk. En fait, Trust est tout simplement un groupe Punk à ce moment-là, il dénonce les violences policières, l'arnaque des syndicats, les coups bas des politiciens et tout ce qui vérole le monde. On lui reproche ça, d'ailleurs, de balancer sans apporter de solution. Mais est-ce le rôle d'un groupe de Rock? Est-ce que Sham 69 donne les clés dans Angels With Dirty Faces? Non. D'ailleurs, Jimmy Pursey écrira plus tard les paroles de la version anglaise de Répression sans changer quoi que ce soit aux textes de Bernie. Je ne pense pas non plus que Clash ou Pistols aient essayé de trouver des solutions aux problèmes de société qu'ils dénonçaient, surtout pas les Sex 'and we don't care' Pistols.
Préfabriqués ouvre l'album, c'est une chanson assez speed pour l'époque, l'intro à la batterie est très impressionnante et les paroles sentent la révolte. Suivent Palace qui cogne sur les soirées branchées pour frimeurs parisiens et Le Matteur, tout en perversion. Bosser huit Heures met en lumière ce que le père de Bernie a connu en tant qu'ouvrier syndiqué, se faire rouler par de beaux discours qui ne débouchaient jamais sur rien. Edmond Maire, à la tête de la CFDT et Georges Séguy, leader de la CGT, se font défoncer. Imaginez aujourd'hui un groupe chanter des paroles au vitriole sur Sophie Binet et Laurent Berger à la télévision, comme Trust le faisait en 78 à l'émission Blue Jean sur Antenne 2. Frissons !
Comme un Damné décrit la vie monotone d'un prolo qui fait ses heures à l'usine du lundi au vendredi et qui se défoule à coup de barre de fer le week-end venu, Dialogue de Sourds, sans doute le titre le plus Punk, passe en revue les problèmes du monde, du mur de Berlin aux actions des Brigades Rouges, Police Milice dénonce avec cynisme les abus de la police, H & D, l'oppression du système bolchévique et Toujours Pas Une Tune enfonce le clou, en fin d'album après Ride On. Bernie s'en prend une nouvelle fois à tout un système qui ne lui apporte rien, si ce n'est des promesses et pas de solution, 'j'écoute et dans mes poches, j'ai toujours pas une tune'. Malheureusement toujours d'actualité.
Trust est donc un disque Punk, définitivement, le son est à la fois crade et puissant, les paroles sont parfois étouffées par les guitares, Bernie est tellement tendu qu'il est difficile à comprendre mot pour mot, mais on saisit facilement le sens de l'album, sa révolte, l'envie de tout envoyer valser.
Après sa sortie, Yves Brusco remplace Raymond Manna à la basse et en 1980, le batteur Jean-Emile Hanela est remercié. Nico McBrain prend sa place pour soutenir Répression, deuxième album sur lequel le groupe amorce un virage Hard-Rock. Ce sera un très gros succès pour Trust mais, pour ma part, il ne remplacera jamais le premier LP.
De toutes mes forces je vous plains
Je ne pense que rarement à demain
Vos idées ne sont fondées que par overdose de télé
Je ne peux que prêcher la déraison, la destruction.
(...)
Je n'ai jamais aimé les gens préfabriqués.
Dick Kent
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