MONSTER INTERVIEW : BERNARD DELGOULET - LA DEMOTHEQUE

Design Bob Cougar

Une partie de cette interview a été publiée dans le denier numéro du fanzine Dead Groll d'Eléonore Rochas. Avec son accord, je publie l'intégralité des échanges qui ont eu lieu avec Bernard Delgoulet, le boss du magasin La Démothèque à Périgueux.

Depuis quand La Démothèque existe-t-elle ?

Elle existe depuis 1995, mais il y a eu une première Démothèque qui n'a pas duré longtemps, six mois à peu près, à la place de Plato records, au 4 avenue Domesnil, après on est descendu au 8 avenue Domesnil.

Photo Stéphane Klein/Dead Groll Fanzine

Comment tout ça a eu lieu ?

Il avait une ancienne librairie et c'est l'association Megastaff, créée en 1993 pour organiser des concerts, qui s'est occupé de ça. Et il y avait eu, avant, avec les Collectif 24, une démothèque dans un local associatif qui se trouvait après le pont des Barris. On y mettait des démos des groupes, on appelait pas encore ça la Démothèque mais c'était juste des démos d'où ensuite le mot Démothèque. Et avec Mégastaff, on a créé Mégazine, le fanzine. En fait, l'idée c'était aussi d'avoir un local associatif, en même temps, et les gens du Collectif 24 et de la Démothèque se retrouvaient dans le local.

Est-ce que tu as connu une évolution dans ton métier de disquaire, d'année en année ?

J'ai jamais pensé que c'était un métier. A la base, j'étais employé comme animateur culturel à la Démothèque, J'étais salarié de Megastaff. Colette (Vergne) était présidente, c'était mon statut pour pouvoir m'occuper du magasin.

Et aujourd'hui, tu n'as plus le même statut ?

Aujourd'hui, je suis à la retraite. Je suis un animateur culturel à la retraite (rires). Et en même temps, la boutique et l'asso se portent mieux car il n'y a plus mon salaire à supporter. L'association est riche à mourir, on va refaire Woodstock l'année prochaine !


Qui est le président ou la présidente de Megastaff aujourd'hui ?

La présidente c'est ma fille, Lou. Tout est en train de se restructurer.

Tu avais déjà eu un magasin de disques auparavant ?

J'ai bourlingué, j'ai vendu des disques d'occasion quand j'étais à Toulouse. J'ai eu un magasin d'antiquités que j'ai laissé tomber pour faire des brocantes, je faisais les puces à Saint Sernin et j'y vendais des disques.

Comment tu as vécu entre Périgueux et Toulouse ?

Je suis né à Périgueux et je suis resté à Toulouse de 1979 à 1989

Être disquaire aujourd'hui, est-ce viable ?

Oui, dans une certaine mesure, mais il y en a de moins en moins quand même et je ne pense pas que ça aille en s'arrangeant. Parce qu'il faut vraiment en vouloir. Il n'y a plus beaucoup de jeunes pour ça, donc ils vont prendre la retraite, arrêter. Et puis après, il y a internet qui a tué tout ça.

Et faire de la vente sur internet, tu y as pensé ?

J'avais essayé mais il faudrait faire que ça. Faut être honnête, faut savoir parler d'un disque que tu vends.

Le Disquaire Day a-t-il encore une utilité pour les disquaires indépendants ?

Oui, c'est une mise en lumière des disquaires indépendants. Il y a des gens qui viennent ce jour-là, mais ce n'est pas spécialement pour acheter des disques du Disquaire Day. Et il y a des disques intéressants ce jour-là, mais ils ont déjà quadruplé le prix sur internet parce que comme ce sont des tirages limités, c'est ça qui fait le truc. Il y a des disques qui n'ont jamais été repressés, c'est intéressant aussi. Après certaines majors font monter les prix parce que ce sont des tirages limités, ça coûte plus cher.

Il y a un an ou deux, les grosses maisons de disques prévoyaient des hausses de prix du disque à cause, nous disaient-elles, d'augmentations de matières premières. Ressens-tu ces hausses aujourd'hui, même sur des petites productions, petits labels, etc ?

Je ne suis pas le cours du pétrole, mais il y a des gens qui arrivent à sortir des disques à des prix raisonnables, même s'il s'en sortent juste, et ils continuent, ils n'ont pas augmenté, et il y en a d'autres qui sont passés à plus de trente euros, voilà.

Toute à l'heure au magasin, je voyais des disques à 18€ et d'autres à 30€. Qu'est-ce qui justifie un tel écart ?

Il y a des labels associatifs et d'autres non, donc ils ne fonctionnent pas pareil. Le prix des disques a doublé en Angleterre aussi, et en Australie, En Angleterre, avant c'était l'inverse, on allait chercher les disques car ils étaient moins chers. Et puis certains disques n'étaient pas disponibles en France alors on allait les chercher là-bas. Aujourd'hui, l'Angleterre n'est plus dans le marché commun, ça a changé et puis les majors monopolisent les usines de pressages. Les anglais viennent faire presser des disques chez MPO en Bretagne, donc voilà, ça change. Mais il y a de nouveaux presseurs aussi, les machines vendues au rabais à Drouot quand plus personne n'en voulait fonctionnent à nouveau.

On parle souvent de l'augmentation des ventes de vinyles actuellement. La ressens-tu, cette augmentation, par rapport au CD ?

Oui, bien sûr, mais il y a encore des gens qui achètent du CD, Soit parce que c'est moins cher, soit parce que certains CD sont devenus collectors et qu'ils ne les trouvent pas en vinyles. Et puis, il y a des gens qui ne veulent plus en sortir du CD, on l'a tellement mis en avant qu'ils ne veulent plus en sortir.

Quelles sont tes meilleures ventes, sont-elles stables ? Les groupes indépendants ou les grosses productions ? Quels styles vends-tu le plus ?

Les ventes sont stables. C'est le Rock qui domine, la demande est là et un peu l'Electro, aussi. A un moment, l'Electro dépassait le Rock, mais il n'y a pas que le Rock, il y aussi le Jazz, la musique classique, parce qu'on essaye de retrouver des racines, etc.

Et dans tes clients, tu as des jeunes ?

Oui, il y a des jeunes, mais ils n'ont pas la même optique, eux ce qui les intéresse c'est le prix. Donc ils regardent pour avoir un disque pas trop cher mais il y en a qui comprennent qu'on peut pas avoir tout au rabais.

Tu es à l'origine et organises le marché du disque de Périgueux chaque année (Megasonicomix Market), est-ce un événement en progression depuis sa création ?

Il a toujours été constant, légèrement en « dents de scie ». Au début, c'était au centre des congrès, on faisait des concerts sur deux jours, le samedi et le dimanche et les DJ's qui jouaient aussi, il y a toujours eu du monde. En nombre de visiteurs, ça peut culminer à 1000 et descendre à 400 au plus bas . Avec un nombre d'exposants qui est à peu près toujours le même.

Et si on revient à ton fanzine Mégazine, cette année, ce sont les 30 ans ?

Oui, il y a eu 10 numéros, en fait 9 car il y a le numéro 0. Je pensais sortir un spécial pour les trente ans, mais je ne sais pas.

Et un numéro spécial qui compilerait l'histoire des fanzines français ?

Là, c'est compliqué. Et puis il y a tellement de trucs comme la Fanzinothèque (de Poitiers). Après, j'ai toujours baigné dans l'univers des fanzines. Au départ c'était l'Acidulée, je montais à Paris pour les mettre en dépôt, c'était il y a cinquante ans. Il ne devrait même pas être considéré comme un vrai fanzine car il était déposé avec la presse normale. Il devrait y avoir des exemplaires répertoriés à la bibliothèque nationale. Parce qu'on avait un journaliste qu'on avait mis directeur de publication. Et il avait les trucs en dépôt légal alors que c'était juste des photocopies, tu vois. C'était avec Claude Gindre (R.I.P.) de la Caverne et à 18 ans, je pouvais pas faire partie de l'asso, il fallait avoir 21 ans (âge légal de la majorité de l'époque). J'avais aussi un fanzine écrit à la main qui s'appelait La Déconfiture, en même temps que l'Acidulée, donc, il y a 50 ans, je crois qu'il y en a eu d'autres mais je me souviens plus des noms. C'était fait rapidement, je dessinais, j'écrivais, aucune photo, je faisais tout, tout seul.

L'année n'est pas finie, pourquoi pas une compilation des anciens numéros ?

Non, je n'aime pas les compilations.

Et à ce propos, qu'est-ce que tu penses des compilations sur disques ?

Alors, ça dépend, tu peux avoir des compilations d'inédits, ou des compilations que des gens ne sortiraient jamais en dehors d'une compilation. Et puis, il y les « best of » qui permettent de découvrir les groupes, des fois.

Tu as des coups de cœurs actuellement, des groupes à nous conseiller ?

J'écoute plutôt des vieux groupes actuellement, des groupes des années 50, 60. Des choses moins connues que le premier album de Led Zeppelin, par exemple, qui a marqué à sa sortie, c'est vrai. Mais donner des noms comme ça, je ne sais pas, ça ne dira rien à personne, ce sont des groupes qui ne dirons rien à personne. J'écoute des compilations de groupes qui n'ont sorti parfois qu'un 45 tours, les compilations Brown Acid Heavy Rock from the underground comedown. Il y a 16 volumes sortis sur le label US Riding Easy. C'était des groupes de la fin des années 60, début 70, l'ancêtre du Hard Rock mélangé avec du Psychédélique,

Eléonore et Bernard/Dead Groll Fanzine

Ces compilations sont disponibles aujourd'hui ?

Oui, il y a des gens qui font des recherches, qui vont chercher des groupes passés à côté, quelques fois qui n'étaient écoutés que par certaines personnes, ou qui n'ont même pas enregistré (en studio pour un single), on retrouve des démos, des concerts, ils jouaient pour jouer, pas spécialement pour se faire connaître. Il y en avait plein, dans toutes les villes.

C'est le même principe que les compilations de Garage 60's où on trouve parfois des groupes qui n'ont fait qu'un 45 tours.

Oui, voilà, et après ce que j'aime bien, ce sont les groupes actuels qui s'inspire de ça, qui ajoute un autre son, un côté un peu différent.

Et donc, les groupes actuels, tu dirais qui ?

Les Darts, j'adore les Darts, Civic aussi, j'ai été les voir à Bordeaux, excellent. Ils sont encore mieux sur scène que sur disque ces groupes-là, ce sont des groupes de scène.

Il y a le Chiffre Organ-isation aussi, je les ai fait passer plusieurs fois, au Megasonicomix Market, aux Tétards, et là aussi, c'est du revival, ou inspiration de la période fin 60, avec le son de l'orgue Hammond, J'en ai joué aussi, de l'orgue Hammond.

Tu as eu beaucoup de groupe ?

Oui, pas mal mais ils n'ont pas marqué. Par exemple Virus, on n'a rien, il n'y a aucune cassette.

Tu jouais de l'orgue ou tu chantais ?

Je faisais les deux. Après il y a eu Pluton, c'était pas de l'orgue Hammond, c'était l'orgue Farfiza, c'est pas pareil. C'est-à-dire que le Hammond était plus cher, il fallait avoir une Leslie avec, c'est une cabine qui crée un effet tremolo ou vibrato, et c'était encombrant. Et puis ensuite, j'ai plus ou moins laissé tomber la clavier, j'en ai un peu rejoué plus tard, avec The Agony, c'était du synthé, les premiers synthé qui sortaient à l'époque, et je chantais en même temps. Et puis on s'est mis à la boîte à rythme avec juste un guitariste, c'était les années 80. Je ne sais pas s'il y a des choses, il doit y avoir un morceau sur internet, live dans une radio. On était deux mais quelques fois on pouvait être dix sur scène, des gens venaient s'ajouter. Après j'ai fait les Losers, etc.

Tu n'as jamais pensé à refaire de la musique aujourd'hui ?

Si, j'y ai pensé mais je n'ai jamais vraiment eu l'occasion. Il faut que je trouve des gens avec qui ça colle vraiment.

Au chant ou autre ?

Oui, moi je chante en principe. Après l'orgue, ça peut être un accessoire, en plus. Mais faut pas que je fasse trop de choses en même temps. Je fais DJ aussi, depuis les années 70. J'ai commencé à la Caverne. Il y a eu William Dustyle quand je faisais de la radio à Toulouse et c'est resté DJ Dustyle. J'enregistrais aussi des parties musicales et je chantais par dessus.

Merci à Eléonore, Ludo et Bernard

Fernand Naudin

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