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MONSTER STORY : L'HISTOIRE DU MC5 EN FRANCE. FEVRIER ET NOVEMBRE 1972

 

L'HISTOIRE DU MC5 EN FRANCE EN FEVRIER ET NOVEMBRE 1972

On sait peu de chose sur le passage du MC5 en France au début de l'année 1972 alors que le dernier concert, en novembre au Bataclan, est malheureusement trop bien connu et n'a plus grand chose à voir avec le groupe. 

L'excellent site MC5 Gateway donne quelques indications sur les quatre concerts de février, il existe également une vidéo du groupe au Gibus ainsi que l'album Thunder Express (Munster/Skydog) qui contient l'enregistrement à Hérouville. Sur sa pochette sont mentionnés sept titres live dans les studios du château en mars 72. C'est une erreur, les septième et huitième sont la copie du single I Can Only Give You Everything/I Just Don't Know sorti sur AMG Records en 1969. Cette erreur ne figure pas sur la version sortie quelques années avant sur le label Jungle. De plus, l'indication du mois de mars sur la pochette de Thunder Express reste une datation discutable puisque le groupe était en France en février. Enfin, il y a cette rumeur selon laquelle le boss du label Skydog, Marc Zermati, aurait acheté les bandes à l'ORTF. L'office de radio et télévision ayant mis la clé sous la porte au début du mois de janvier 1975, Zermati les aurait forcément achetées avant cette date et il aurait très probablement sorti l'album en 1976 ou 77, en plein mouvement Punk, pour profiter de la réputation du MC5 auprès du public de ce nouveau phénomène musical et pas en 1992. Une rumeur, très probablement, et rien de plus.

CD Jungle records
Concernant le séjour du groupe en France, MC5 Gateway indique que le MC5 était présent du 17 au 22 février pour quatre concerts et qu'il est également passé à l'émission Carré Bleu d'Europe 1 ainsi qu'au studio d'Hérouville, en mars, sans donner plus de précision. Nous retrouvons les mêmes informations dans le livre MC5 - Une insurrection sonique de Didier Delinotte et Manuel Rabasse, ouvrage qui date la session d'Hérouville au printemps 1972 après la tournée anglaise (donc en mars ou avril voire début mai) et mentionne un passage devant un maigre public à l'émission d'Europe 1, Carré Bleu. Très étonne mais toujours soucieux d'apprendre, j'ai cherché plus d'informations...

Pour l'émission de radio, tout d'abord, Europe 1 n'ayant pas d'archive, j'ai interrogé François Jouffa, ancien animateur de Carré Bleu en 1971 et 1972. Il m'a aimablement répondu mais n'a absolument aucun souvenir du passage du groupe à l'émission alors qu'il se souvient très bien d'Alice Cooper et de Magma, par exemple. Idem Marie-France Brière, responsable de la programmation des groupes live pour l'émission et qui n'a pas la moindre information sur l'événement. Si MC5 avait joué live dans les studios d'Europe 1, il y a fort à parier que ces personnes s'en rappelleraient comme Dominique Blanc-Francard se rappelle d'Hérouville (voir plus bas). De plus, dans le numéro 2 de la revue Pop 2000 de janvier 1972 figure un article sur Carré Bleu mais aucune mention d'un futur passage du MC5 le mois suivant. Cette prestation à l'émission d'Europe 1 reste donc, pour le moment, une arlésienne. 

En revanche, le compte-rendu du concert à HEC de Jouy-En-Josas par Jacques Leblanc, dans le numéro 4 de Pop 2000, nous apprend que l'événement était sponsorisé par Europe 1. Peut-être une info à l'origine de la légende de Carré Bleu? Ce que l'article nous apprend aussi c'est que la soirée a été mouvementée. L'entrée a été forcée et quelqu'un a pris le micro pour se plaindre que le MC5 jouait pour une école qui forme des cadres.

Jacques Leblanc:

On a reçu l'info du concert (à HEC) au bureau, par Europe 1. Ca a été mouvementé, des chaises ont volé à cause de pseudo révolutionnaires mais le concert a été à son terme. A ma connaissance il n'a pas été retransmis sur l'antenne d'Europe 1, ni enregistré. J'ai un vague souvenir du Gibus. Mais à deux ou trois concerts par semaine à l'époque, la mémoire me fait défaut. Le 29 novembre 1972, j'ai revu MC5 au Bataclan pour Pop2 et c'était catastrophique. Il n'y avait plus Rob Tyner. Au premier rang une bande d'Hells Angels (?!) a tout gâché. Je suis monté sur scène et avant la moitié du concert je me suis éclipsé par la sortie de secours, tant cela dégénérait. Pour info, le 8 septembre 1972 au Jazz & Blues Festival d'Ann Arbor, MC5 a joué en hommage au pianiste disparu Otis Spann, avec Luther Allison, Bobby Blue Band, Dr. John, Freddy King, Junior Walker, Muddy Waters et Howlin' Wolf.

Pour le passage à Hérouville, plusieurs personnes ont été contactées, dont Dominique Blanc-Francard qui a bien voulu donner quelques détails sur la session d'enregistrement. Il est formel, elle a eu lieu en février, pas en mars. 

C’est moi qui ai enregistré ces titres, mais je ne sais plus si nous avons enregistré en multipistes ou envoyé le son direct aux caméras. Je me souviens surtout que le son était démesurément fort et que l’on entendait le groupe plus fort à travers les murs que par les haut-parleurs de la cabine son, même à fond. Les cadreurs avaient refusé de rentrer dans le studio pour filmer de peur de se péter les tympans et nous avions dû leur scotcher des casques sur la tête pour les protéger du volume sonore afin qu’ils acceptent de filmer….

MC5 au Gibus
Un internaute, André Blanc, a également apporté son témoignage. Il y a plusieurs années, sous le pseudonyme WhiteBarney, il avait commenté la vidéo Youtube du MC5 au Gibus, indiquant qu'après le concert, le groupe était parti directement enregistrer à Hérouville. Je l'ai contacté pour en savoir plus, voici ses souvenirs:

On était, avec mon groupe, en studio au château d'Hérouville près de Paris et vers 23h ils sont arrivés (MC5), se sont installés et ont joué 30 minutes, là, en live. On en revenait pas trop, c'était pour une émission de TV. Voilà, belle surprise, ils venaient de faire un concert au Gibus à République, Paris.

L'émission TV en question est celle de l'ORTF, Rock En Stock. L'info est très intéressante car elle vient confirmer les propos de Dominique Blanc-Francard quant à un enregistrement en février et non en mars comme cela figure sur la pochette de l'album Thunder Express.

Captures d'écran. Rock en stock

Rock en Stock aurait été diffusée une première fois le 8 avril 1972 (source: MC5 Gateway) avec les titres Thunder Express et un medley Kick Out The Jams-Empty Heart. Une seconde diffusion a eu lieu le 6 mai avec les mêmes titres puis le 4 novembre où seul Tonight est rediffusé lors d'un 'best of' de l'année. Enfin, le 22 mai 1973, Kick Out The Jams et Empty Heart passent une nouvelle fois à Rock En Stock (source: INA). Aucune émission ou diffusion n'existe avec l'intégralité de l'enregistrement qui figure sur l'album Thunder Express, soit Kick Out The Jams/Empty Heart/Ramblin' Rose/Thunder Express/Rama Lama Fa Fa Fa/Motor City Is Burning. D'après la vidéo, il semble que le set se termine en réalité sur Empty Heart. Le montage du LP serait dans le désordre. 

Pour dater les quatre concerts, on doit se baser sur le site MC5 Gateway. Considérant que le groupe est arrivé en France le 17 février, le premier concert à la MJC Drouot de Mulhouse a probablement eu lieu le 18. Celui de HEC à Jouy-En-Josas le 19, le Gibus le 20, la session d'Hérouville dans la nuit du 20 au 21 et Dourges le 22. Le 23, MC5 quittait la France pour jouer en Angleterre à partir du 24.

Une rare photo du groupe à Hérouville Verso du LP Thunder Express

En novembre, comme nous l'avons vu plus haut, le groupe revient jouer au Bataclan. C'est ainsi qu'il est annoncé mais il ne s'agit plus du MC5. Rob Tyner est parti et seuls Wayne Kramer et Fred 'Sonic' Smith assurent le show avec des musiciens inconnus.

Maxipop n°14. Déc 72

L'événement est filmé pour l'émission Pop 2 présenté par Patrice Blanc-Francard (frère de Dominique). Deux titres sont diffusés ainsi qu'une interview des deux anciens membres du MC5, Wayne et Smith, réalisée backstage. Filmé au milieu de ruines, dans un paysage post-apocalyptique, Patrice Blanc-Francard y parle d'échec pour Pop 2 et on le comprend. Le concert est une catastrophe, comme l'explique Alain Lemaire dans le numéro 14 du journal Maxipop de décembre 1972. L'article s'intitule 'la débâcle', il y est question de violence avec les Hell's Angels, d'un batteur minable, de problèmes de sonorisation et surtout du départ de Rob Tyner. L'auteur conclue par ces mots : 'oh et puis merde. Un groupe est mort, il s'appelait MC five'. On y sent toute la déception d'Alain Lemaire. Déception d'avoir assisté au concert d'un groupe qui n'en est plus un, ou au moins pas celui qui était attendu et annoncé un peu partout. Il l'explique d'ailleurs dans son texte, ce n'est pas celui qu'il a vu en début d'année à Jouy-En-Josas avec Jacques Leblanc.  

Fernand Naudin

Journal Maxipop du 22 novembre 1972


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