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MONSTER STORY : 100 CLUB PUNK SPECIAL 20 & 21 SEPT. 1976


Bientôt cinquante ans qu'on en parle, au point que des bootleggers ressortent des bandes de l'événement pour fêter ça. Les deux soirées Punk au 100 Club de Londres en septembre 76 sont vues par certains comme le premier vrai festival Punk. D'après eux, la première édition de Mont de Marsan n'est finalement qu'un rassemblement de pub-rockers avec un zest de Punk: les Damned. Sur ce point, ils ont raison, mais l'organisateur de l’événement Punk Special ne voit pas les choses de la même façon. Malcolm McLaren, manager des Sex Pistols et propriétaire de la boutique Sex à Kings Road, est à l'origine de l'événement et il rejette cette étiquette de festival qui lui rappelle les hippies, Woodstock et les groupes de super stars chevelues. Pas un festival, donc, un spécial Punk, c'est tout.

Son but avoué est de déclencher un phénomène nouveau, être l'instigateur d'un mouvement de la jeunesse sur fond de provoc' et de slogans anarchistes, rompre avec les générations précédentes. Pour cela, même s'il s’occupe des Sex Pistols qui ont déjà embarqué dans leur sillage Buzzcocks, Clash et Damned, il souhaite permettre à d'autres gamins de s'exprimer et à des groupes « amis » de participer à la fête. Ainsi, il paye les heures de répétition de Subway Sect afin que ces derniers soient opérationnels et il accepte volontiers la proposition de Susan Ballion de monter sur scène avec un groupe. Elle est fan des Pistols et forme Suzie & The Banshees quelques jours avant le 20 septembre, avec Marco Pironi (guitare), que l'on retrouve plus tard dans Adam & The Ants, Steve 'Spunk' Severin (basse), comme Susan Ballion il vient du Bromley Contingent, le fan club des Sex Pistols et Sid Vicious (batterie), futur bassiste des Pistols. Il est ami de Johnny Rotten et ex membre de Flowers Of Romance, groupe satellite qui a compté dans ses rangs Keith Levene, guitariste de Clash et de PiL, Viv Albertine des Slits et bien d'autres encore. Le groupe de Susan Ballion ne sait pas jouer, n'a pas répété, mais a l'audace de monter sur scène pour massacrer Lords Prayer et Helter Skelter durant 20 minutes, auxquels il mélange des passages de Twist And Shout et Knocking On Heaven's Door. Le set est pour le moins cacophonique, mais le public applaudit. Un peu plus tard, après avoir changé de line-up et s'être mis au travail, Suzie devient Siouxsie. Avec ses nouveaux Banshees, elle sort l'excellent premier album The Scream en 1978, mais c'est une autre histoire, revenons à ce Spécial Punk. Le premier soir, donc, participent Suzie & the Banshees, Subway Sect, The Clash et les Sex Pistols. Chaque groupe assure, même si, comme nous venons de le voir, les Banshees sont plus là pour le fun et la provoc' que pour un set hyper technique. Bernie Rhodes, manager de Clash, refuse de leur prêter le matériel du groupe à cause du brassard nazi que porte Susan Ballion. McLaren vient à la rescousse et les Banshees utilisent finalement les amplis des Sex Pistols. Il profite également de la soirée pour faire signer le contrat de management qui le lie à son groupe. Backstage, les Pistols surexcités par l'ambiance du moment ne lisent rien et se font rouler. Sa société Glitterbest a désormais tous les droits sur les disques, les noms et les pseudonymes. Il faudra un procès pour que le groupe récupère son dû.

Bootleg récent doublé d'un gig au Roxy
Subway Sect joue une trentaine de minutes avec des titres punks assez lents tendant vers un Noisy Punk et des paroles au goût du jour : No Love, Everyone Is A Prostitute, Why Did You Shoot Me ?. Le chanteur Vic Godard ne regarde quasiment pas le public, le visage fermé, un look sobre que l'on retrouvera plus tard chez les groupes Post-Punk, il se contente de chanter, sans doute intimidé par ce premier concert.

The Clash est plus ouvert, bien en place, ils jouent ensemble depuis trois mois mais comptent dans leurs rangs des musiciens confirmés, Joe Strummer, ex 101'ers et Mick Jones des London SS. Le set est nerveux, comme celui du Screen On The Green un mois avant, et les paroles désormais politisées : White Riot (Émeute blanche) que l'extrême droite essaie en vain de récupérer et qu'une certaine presse qualifie de chanson fasciste sans avoir pris soin de lire les paroles, I'm So Bored With The USA (qui s'appelait simplement I'm So Bored With You au Screen On the Green le 29 août), London's Burning etc.

Suivent les Sex Pistols pour finir la soirée. Là aussi, un set bien carré, même si par moments les premiers rangs se bousculent et viennent perturber le guitariste Steve Jones. Le concert débute avec Anarchy in the UK, leur futur single, suivi de reprises des Who, Stooges etc et de compos comme No Feelings, Problems («le problème c'est tooiiii!!!! » hurle Rotten), Lazy Sod ou encore Pretty Vacant que l'on peut traduire de façon ironique par « assez dispo » (une chanson sur cette génération de gamins sans avenir qui pointe au chômage). Stinky Toys devaient jouer ce soir, mais l'heure tardive les en empêche. Le club doit fermer et Elli Medeiros, furieuse, quitte la salle en bousculant tables et chaises et manque de se faire renverser par un taxi à la sortie. 

Nouveau pressage en vinyl couleur
Le lendemain, c'est donc au tour des français Stinky Toys de monter sur scène, ainsi que The Damned, Chris Spedding & The Vibrators et Buzzcocks.

Stinky Toys sont donc reprogrammés et probablement par vengeance envers McLaren, Elli Medeiros raconte à qui veut l'entendre qu'elle a détesté les Sex Pistols et les déteste toujours car ils ont refusé de prêter leur matériel pour que son groupe puisse jouer. Seulement, le 21 Septembre, les Sex Pistols sont en concert à Cardiff, par conséquent il leur est difficile de prêter le matériel aux Stinky Toys qui finissent par utiliser celui des Damned (et pas celui de Clash comme l'affirme la chanteuse française)... Autre problème qui retombe sur le dos de plus en plus large des Sex Pistols, un spectateur lance un verre en direction des Damned lors de leur set. Une fille est légèrement blessée au visage. La police intervient, embarque Sid Vicious car il est armé d'un couteau (rien à voir avec le verre), et la presse s'empare de l'incident en expliquant qu'une jeune fille a perdu son œil lors du concert des Sex Pistols... qui sont absents. La journaliste Caroline Coon vole au secours de Sid Vicious et témoigne qu'elle était à côté de lui durant la soirée et qu'à aucun moment il n'a lancé quoi que ce soit en direction de la scène. Quant à la jeune fille, elle n'est que légèrement blessée à la joue par un éclat de verre mais le mal est fait, les Sex Pistols absents sont coupables. Pour la petite histoire, leur manager resté sur place demande au bar pourquoi les boissons ne sont pas servies dans des verres en plastique afin d'éviter ce genre d'incident (McLaren aime le chaos mais pas trop quand même!). On lui répond brutalement « nous sommes civilisés par ici Monsieur ! ». Ambiance...

Stinky Toys démolis par la presse

Côté musique, le set des Stinky Toys est catastrophique, totalement bancal, les musiciens passent énormément de temps à s'accorder entre les chansons et Elli Medeiros chante faux. La presse décrit une prestation médiocre, avec une voix tellement désagréable que les spectateurs se réfugient au bar pour éviter trop de souffrance. Je possède l'enregistrement de ce concert et vous confirme que c'était vraiment mauvais.

Suivent les Damned qui sont excellents. Leur set ne dure que 20 minutes, 6 ou 7 titres seulement dont la reprise des Beatles, Help, face B de leur premier simple New Rose (phonétique de Névrose) également joué ce soir, ainsi que Fan Club, deux tires qui donneront plus tard leurs noms à des labels de disques parisiens (Fan Club étant une branche de New Rose).

Chris Spedding et ses Vibrators placent la barre encore plus haut. Il faut dire qu'il a roulé sa bosse, le bonhomme est musicien professionnel depuis des années et les Vibrators aussi. Après Motorbiking, son tube du moment, les reprises de Jumping Jack Flash, I Saw Her Standing There , Great Balls Of Fire  et quelques autres pépites, Buzzcocks terminent la soirée.

Ils sont également très bons, le set est sensiblement le même qu'au Screen On The Green fin août, en plus court. On retrouve des titres du premier EP, Boredom, Breakdown ainsi que les futurs singles Oh Shit et Orgasm Addict. Le set est court, carré, et le groupe a le look punk de la tête au pied, le chanteur Howard Devoto, habillé de vinyle et de cuir, s'est teint les cheveux en orange et n'a rien à envier aux londoniens.

Après l'incident du verre jeté par un spectateur, Ron Watts, le propriétaire du 100 Club décide de fermer ses portes aux punks. Il les accueillera à nouveau bien des années plus tard et les Sex Pistols y feront même leur conférence de presse pour la reformation de 1996. A l'origine un club de Jazz, il a joué un rôle important dans l'évolution du punk anglais entre Mars et Septembre 1976. Aujourd'hui, il n'est pas rare que Mick Jones (The Clash), Glen Matlock (Sex Pistols) ou Steve Diggle (Buzzcocks) s'y produisent.

Merci à Fernand Naudin pour son texte.

Dick Kent

Melody Maker

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