(Clinton Heylin, route publishing 2016)
Un livre de plus sur le Punk anglais... c'est ce que je me suis dit lorsqu'il est sorti en 2016 et pendant longtemps, je n'ai pas souhaité l'acheter, jugeant que mes étagères sont déjà bien remplies d'ouvrages sur le sujet. Et puis, j'ai changé d'avis, car c'est surtout un livre de Clinton Heylin, l'auteur de Babylon's Burning, pavé d'environ sept cent pages sur le Punk des 70's jusqu'au Hardcore des années 80. Heylin a également écrit les excellents From The Velvet To The Voidoids sur la naissance de la scène Punk US et Never Mind The Bollocks entièrement consacré à la réalisation de l'unique album des Sex Pistols, depuis la première session studio produite par Chris Spedding jusqu'au mix définitif par Chris Thomas. On y apprend l'existence d'une démo de Belsen Was A Gas, titre controversé dont l'enregistrement inédit voit le jour en 2012 pour les trente cinq ans de l'album. A l'époque, Heylin est le premier et le seul a publier cette information, autant dire que le monsieur est plutôt bien renseigné.
Dans Anarchy In The Year Zero, c'est pareil, il apporte des informations précises, basées sur des témoignages de personnes qui ont vécu la naissance du Punk anglais de l'intérieur et il utilise, pour preuves, des enregistrements qui ne trompent personne. Il détruit méticuleusement la légende selon laquelle les Sex Pistols ne savaient pas jouer et avaient été "fabriqués" pour vendre des fringues. Mythe créé et entretenu par quelques journalistes et surtout par le manager McLaren qui souhaitait avant tout passer pour le grand chef d'orchestre d'un mouvement que lui seul aurait lancé grâce à un boys band manipulé. Certes, il avait eu un gros coup de cœur pour Television lors de séjours à NYC, au point d'afficher des photos du groupe dans la boutique qu'il partageait avec Vivienne Westwood, mais de là à expliquer aux médias que le mouvement Punk anglais était né grâce à 'sa découverte' de la scène du CBGB's et 'sa création', comprenez les Sex Pistols et surtout Johnny Rotten, c'était assez casse-gueule et comme tout finit par se savoir, il passe aujourd'hui pour un bouffon à part chez les intégristes biberonnés à la mauvaise foi.
Glen Matlock: quand John est entré dans le magasin, il ressemblait vraiment à Richard Hell. Il avait le t-shirt déchiré, les cheveux dressés sur la tête et tout le truc, c'était une coïncidence, un truc vraiment bizarre... Au lieu d'avoir Richard Hell d'Amérique, on avait Johnny Rotten de Finsbury Park.
Il suffit de regarder les photos de Lydon au début des Sex Pistols pour comprendre que Matlock raconte la vérité. Le pourri et sa chemise 'Anarchy' va très vite donner des idées à McLaren et Westwood...
Avril 76, les Sex Pistols ne portent aucun vêtement de chez McLaren, Rotten et sa chemise Anarchy faite maison est le seul habillé punk. Photo Ray Stevenson. |
Les témoins de l'époque qui s'expriment dans ce livre apportent la preuve que tout ceci n'était qu'une farce absurde. Chris Spedding, Richard Boon (le manager de Buzzcocks), Marco Pirroni, Chrissie Hynde, Caroline Coon, Bernard Sumner, Peter Perett et tant d'autres expliquent pourquoi les Sex Pistols ont été importants, ce qu'ils ont apporté à la scène musicale anglaise de l'époque et au fur et à mesure du livre apparaissent les autres groupes, The Clash, Damned, etc.
Chris Spedding: je trouvais ça très bizarre toute cette presse qui affirmait qu'ils (les Sex Pistols) ne faisaient pas de musique. Si on pouvait remarquer une chose chez eux, c'était bien qu'ils savaient jouer. Ils étaient toujours dans le bon tempo et accordés. Je ne pouvais pas comprendre pourquoi certains avaient choisi de les attaquer sur cette chose qui était leur force.
Au fil des pages, on parcoure l'Angleterre grâce aux souvenirs des uns et des autres, aux photos et témoignage de Peter Lloyd, devenu Cindy Stern sur internet, qui a suivi les Sex Pistols dès le mois de mai 1976, Pistols qui l'ont sauvé d'une vilaine agression lors d'un concert à Scarborough avec des spectateurs salement alcoolisés. Ses photos figurent dans le livre et elles sont inédites, on y voit les Damned à leurs débuts, Dave Vanian les cheveux presque longs, The Clash et Buzzcocks au Screen On The Green d'Islington en août, les Sex Pistols à Middlesborough au mois de mai puis à Leeds en décembre.
On arrive ensuite au Chalet du Lac de Paris où les Pistols jouent début septembre '76, il est également question de leur concert à Dunstable avec The Jam en première partie.
Bruce Foxton: on avait lu toutes ces choses dans la presse à propos d'eux qui étaient incapables de jouer une note... et qu'ils n'avaient aucun répertoire. Et bien, ils avaient leurs chansons et ils étaient absolument géniaux.
Une quantité importante de bandes live viennent corroborer ces déclarations. Elles sont répertoriées à la fin de ce livre qui est un régal, même s'il faut se méfier du révisionnisme historique de feu Zermati et de quelques acteurs de la scène Punk US qui ont toujours regardé les groupes anglais avec un certain mépris, très certainement jaloux de leur succès.
Marc Zermati, à propos de la première édition du festival de Mont de Marsan en 1976: The Clash n'étaient pas là parce qu'ils n'étaient pas prêts. On a dit qu'ils ne venaient pas en soutien aux Sex Pistols que je n'avais pas fait venir, mais c'est des conneries, c'est les salades de Malcolm (McLaren).
Pourtant, The Clash étaient bel et bien prêts à ce moment-là, ils avaient fait la première partie des Sex Pistols en juillet, avaient joué devant la presse dans leur local de répétition, Rehearsal Rehearsals, le 17 août et allaient rejouer avec Sex Pistols et Buzzcocks au Screen On the Green d'Islington une semaine après Mont de Marsan qui eut lieu le 21 août. Jouer devant des journalistes trois jours avant impliquait d'être prêt.
On se demande qui raconte du bullshit...
L'avantage de ce livre est qu'on y voit clair et on comprend vite qui raconte des salades. Et il n'est pas uniquement question des Pistols, vous l'aurez compris, on apprend comment Masters Of the Backside se sont formés avec l'intervention de McLaren, également présent parmi les interviewés grâce à des archives. Brian James évoque London SS, Mark Perry, The Clash et Subway Sect. Tout simplement fascinant. Reste à trouver un éditeur pour une version française.
Monster On Your Back
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