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MONSTER INTERVIEW - PHILIPPE GILARD, PRAIRIE DOGS MUSIC


Courant septembre, je rendais visite à Philippe Gilard pour parler du nouveau label Prairie Dogs Music et de beaucoup d'autres choses passionnantes. 

Entretien avec un passionné.

D’où est venue l'idée de monter un label ?

L’idée a germé après le décès de Bruce Joyner... Nous avions sorti les deux ultimes albums studio de Bruce Joyner chez Closer et je rêvais d’un album acoustique, unplugged… quelque chose d’encore inédit dans la discographie du 'Rossignol d’Atlanta'.  Sur son dernier album, il avait déjà joué deux morceaux en acoustique, avec une guitare douze cordes. C’était formidable. Juste lui et Tom Byars. Je m’étais dit : Pourquoi ne pas faire un album entièrement acoustique ? D’autant qu’à la fin, sa voix avait changé, moins puissante, mais plus subtile, plus émouvante.

Avec Tom Byars, nous avions commencé à travailler sur cette idée. Bruce était enthousiaste, avait écrit quelques nouveaux textes (magnifiques!), nous avions un projet, et malheureusement,  quelques semaines à peine après la sortie de la compilation Eyes on You Vol. III (Closer Records), il nous a quittés...

Partant de ce constat, Tom et moi nous sommes entretenus, et avons convenu qu’il ne fallait pas en rester là... Nous avons rassemblé tout le matériel que nous possédions : des inédits, des enregistrements live, et bien plus encore. L’idée était claire : faire un bel hommage.

Tom a contacté Don Fleming, producteur de Hole et Sonic Youth, qui avait joué avec Bruce dans The Stroke Band en 1978 (un album à leur actif). Ensemble, ils ont organisé une soirée 'Tribute', le jour de l’anniversaire de Bruce, le 9 août à Atlanta. De nombreux artistes étaient présents : des groupes ont joué, des formations dans lesquelles Bruce s’était investi, le guitariste des Unknowns était là ! Mais un deuxième hommage s’imposait, sous une autre forme. L’idée de départ était de réaliser un double album composé de matériels rares ou inédits. Ce projet de taille nécessitant beaucoup de recherches et de temps en termes de restauration et réalisation, verra finalement le jour ultérieurement. Nous avons finalement opté, dans un premier temps, pour une série consacrée à Bruce que l’on intitulera sans doute The Lost Tapes. Le premier volume sera consacré à Out Of The Fire, le groupe de Tom Byars dans lequel chantait Bruce Joyner. Une formation responsable d’un unique album qui a duré une vingtaine d’années avec de multiples remaniements et qui est devenue culte avec le recul. Ce premier volet n’est autre que le deuxième album resté inédit de cette formation avec Bruce aux claviers et au chant ! Alain Feydri que l’on ne présente plus, sera en charge du texte biographique que l’on retrouvera sur la pochette de Out Of The Fire.

Les titres avaient été enregistrés en 1991 par John Keane à Athens, en Georgie, assisté par David Barbe, le bassiste de Sugar et avec Peter Buck de R.E.M. comme producteur artistique ! Ce fut un plaisir pour moi de les masteriser car le son est exceptionnel ! Parmi les guests de l’album, on retrouve Mitch Easter (qui fut le producteur attitré des premiers albums de R.E.M.), venu placer quelques splendides parties de guitares et des voix... Ce disque est une véritable perle jamais publiée… les fans vont adorer ! 

Du coup, on hérite de tout ça. On a aussi un live seize titres de Out Of The Fire, pas mal d’inédits de Bruce Joyner, des lives de qualité et même un titre inédit de The Unknowns… mais ce sera pour plus tard.

Dans la foulée, nous produirons le premier album de LemonMNM, le nouveau groupe de Tom Byars. En terme de productions, je tiens à préciser que la plupart des albums que nous avons l’intention de publier seront des disques qui, s’ils ne seront pas tous forcément enregistrés, mixés, arrangés et mastérisés par nos soins aux JWSM Studio, seront néanmoins l’objet d’un traitement par le label lui-même (artwork, notes, concepts, etc.). On a d’autres projets sous le coude… On aime beaucoup Bad Wheels le groupe de Franco Caré notre graphiste de Toronto, The Miners of Muzo… il n’est pas exclu non plus que nous sortions aussi le deuxième album de mon groupe, John Wayne Supermarket... Nous recevons aussi déjà pas mal de propositions de groupes confirmés intéressants … Mais pour le moment on va déjà sortir le premier et ce sera Out of the Fire ! 

D'où vient le nom du label Prairie Dogs Music?

Le titre Prairie Dog provient de l'album The Devil Is Beating His Wife de Bruce Joyner. On a poussé l’hommage jusqu’à choisir le titre d’une de ses chansons comme nom de label… mais pour t’éclairer davantage : un 'Prairie Dog' est un petit mammifère des plaines, vif, alerte, toujours à l’affût, prêt à sortir de son terrier pour explorer de nouveaux horizons, ce qui résume bien notre philosophie.

Je ne connais pas cet album.

Tiens, je te l’offre ! J'en ai deux exemplaires, si j’abime le seul qu’il me reste, tu me feras une cassette… (rires ! Il me tend le LP. Merci Philippe !!!).

Vous considérez-vous comme un label de Dordogne ?

Je suis le président de l’association Prairie Dogs Music et j'habite en Dordogne, donc géographiquement oui, on peut dire ça… (rires), mais cela reste un projet d’envergure internationale avec des membres basés aux Etats-Unis et au Canada. Je suis entouré d’une équipe de mercenaires de haut niveau ! Le secrétaire et chef de promotion est Jack Menant, basé à Marseille. Un ancien de chez New Rose Records avec lequel j’ai collaboré chez Closer. Fred Mosrite, qui habite Cahors est le trésorier. Fred est un commercial et un 'public relation' hors pair, doté d’un instinct artistique non négligeable par ailleurs. Il est présent dans tous les concerts et les festivals et c’est un connaisseur et un collectionneur de disques acharné ! Le label compte aussi François du magazine Buzz On Web, qui est basé en Bretagne: c’est un ami cher et j’aime sa vision non élitiste, populaire de la musique. Au Canada nous avons Franco Caré de Bad Wheels que nous avons déjà évoqué et qui est non seulement un orfèvre de la Power-Pop mais également un graphiste inégalable. C'est lui qui réalise tous les visuels de Prairie Dogs. On se connaît et on collabore ensemble depuis une quinzaine d’années. Et pour les USA, il y a bien sûr Tom Byars qui vit à Atlanta et qui fut le fidèle guitariste de Bruce Joyner durant plusieurs décennies et Randy Cooksey, qui fut le batteur de Out Of The Fire, qui habite à Spartanburg, en Caroline du Sud. S’ajoute à ce noyau, d’autres amis qui nous apportent leur soutien : Pierre Chaissac pour la publication du répertoire en ligne et Alain Feydri pour certaines parties éditoriales et rédactionnelles, pour ne citer qu’eux... Prairie Dogs Music est plus qu’un simple label, c’est une constellation d’individus qui réunissent leurs compétences au service de leur passion commune pour le Rock.

Avais-tu déjà eu l’expérience de gestion de labels auparavant ?

ColorSounds Records (ColorSounds en un seul mot), à Toulouse, au milieu des années 90 avec Pascal, le bassiste d’Indian Ghost. C'est le nom d'une pédale fuzz que j'aimais bien. On a sorti des split singles et quelques albums. On a publié Indian Ghost, Explosive Coolies, Moe (un groupe indus de Pau), Otis Wood, Mr Spaceman, Shee Loves... J’ai dû cesser cette activité quand je suis parti aux Antilles et le label a fermé ensuite. Je fus aussi impliqué dans le Closer Records deuxième génération.

Avez-vous tous une expérience dans l'activité de labels ?

Comme je te le disais précédemment, j’ai participé depuis 2013 à la réactivation de Closer et je donne encore aujourd’hui quelques coups de main à Philippe Debris en termes de mixage, mastering, artwork, vidéos, etc. mais certains d'entre nous aussi oui. Jack a bossé chez New Rose, Media 7 et dans d’autres compagnies de disques. On s’est connu quand il m’a rejoint chez Closer. Fred qui vient aussi de Closer, est plutôt un homme de terrain et il a été organisateur, depuis Cahors, du premier grand festival de Blues en France. Il avait aussi monté une boite de production, l’Etroit Tours, qui faisait tourner des bluesmen des USA notamment dans toute l’Europe. Il y a aussi une fille dans la bande et il ne faudrait pas l’oublier ! Gladys, de Cahors également, est comptable et assiste Fred qui est trésorier mais qui ne sait pas compter (rires). Enfin, François de Buzz on Web qui est plus dans la partie éditoriale, gèrera les financements participatifs avec Jack. Franco, Randy et Tom qui représentent le label outre Atlantique, n’ont pas eu d’expériences particulières à ma connaissance au sein d’un label mais leur long parcours réciproque est parsemé de collaborations notoires, est riche en expérience et en relationnel. On a chacun nos propres compétences et nos propres attributions malgré que la règle absolue du label reste la polyvalence.

Y a-t-il une ligne musicale directrice particulière dans Pairie Dogs Music, comme certains labels spécialisés dans le Rock n'Roll 50’s, le Garage, etc. ou bien allez-vous fonctionner au feeling, selon les rencontres ?

Prairie Dogs ne se veut pas un label de garagistes ! Il n'y a que Fred qui soit purement 'garage' (rires) et un spécialiste du Rock des Antipodes, et encore, pas tant que ça car sous sa carapace et son collier de dents de tigres, il écoute beaucoup de choses différentes... Jack est plutôt porté sur le Punk-Rock ou la Noise et les deux sont aux avant-postes de ce qui se fait actuellement. On fonctionnera plutôt au feeling, à l’amitié et dans le respect des groupes surtout, un truc collectiviste, quasi de hippies (rires). Nos amis américains sont des hippies (rires), enfin Tom surtout... et moi aussi, dans le fond. Enfin, pas de musique de baba cool pour autant, hein ! Pour parler de ligne directrice, ce sera plutôt au niveau du fonctionnement et de l’éthique qu’il faudra la chercher. Je souhaite sincèrement que l’on réponde aux groupes quand ils nous contactent et que l’on soit humbles et respectueux avec tout le monde, pas de crise de mégalo, pas d'entrisme... Sans qu’il ne soit question de dictature ou de quoi que se soit, il y a un règlement intérieur, comme dans toute association,  qui stipule des choses simples et élémentaires.

Pour le style musical du label ce sera relativement large, de la Pop au Rock en passant par le Psychédélisme et la Folk… Tant que ça nous plaira, on prendra ! Si on nous proposait des inédits de Robert Johnson, nous les sortirions (nous avons un spécialiste dans nos rangs) ! Nous avons à nous tous une palette de goûts si diverse que tout est possible… La règle pour les sorties, c’est le vote à l’unanimité en pure démocratie.

Vous sortirez les disques à combien d'exemplaires et dans quels formats ?

LP et CD dans un ordre variant entre trois et cinq cent exemplaires selon les références et la demande. On est dans un marché de niches, il ne faut pas l’oublier…

Supports longs ou courts ou bien les deux ?

On ne prévoit pas d’éditer des 45 tours, exception faite pour le format digital, du moins pour le moment car c’est beaucoup trop onéreux. Il existe, ceci dit, certains labels qui se débrouillent bien avec ce format comme Jean-Marc Varlet de Disques Rogue, par exemple, qui est un gars adorable et que l’on apprécie beaucoup. Jean-Marc gère très bien son label de singles et de EP’s dont les productions néo-sixties sont diffusées partout en Europe.

Envisagez-vous de travailler avec d'autres labels, en collaboration ?

C'est dans l’air du temps… Actuellement, on est plutôt dans une politique entièrement D.I.Y. surtout en raison de nos propres productions 'faites maison' mais on n’est pas fermé aux futures opportunités qui pourraient se présenter…

Merci Philippe !

Merci à toi surtout, pour l’intérêt que tu portes à notre nouvelle entreprise !

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Fernand Naudin

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