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MONSTER STORY - BUZZCOCKS - EARLY DAYS PART 3 - 1978


Malgré un changement de line-up en début d'année, 1977 a été riche pour Buzzcocks. Un EP autoproduit, Spiral Scratch, un deal avec United Artists suivi du single Orgasm Addict, une première session radio avec John Peel, une première télé chez Tony Wilson et l'enregistrement de l'album à venir, Another Music In A Different Kitchen annoncé pour mars 1978.

En attendant, le groupe de Shelley reste actif et joue un peu partout au Royaume-Uni courant janvier, accompagné selon les soirs, des Slits, des Worst ou bien de groupes locaux totalement inconnus. 
Le single What Do I Get?/Oh Shit ! sort le 3 février 1978 et connaît rapidement le succès car une fois de plus, Shelley a écrit un hit, un hymne punk aux mélodies incroyablement efficaces. United Artists et Buzzcocks font tout pour que ce nouveau single soit un succès.

 
Pochette reconnaissable entre mille, badges et photos promo assortis, diffusions radio, il entre à la quarante deuxième position (sur cent) dans les charts anglais le 12 février pour y rester trois semaines.

Les pochettes européennes sont plus classiques avec une photo du groupe comme cela se fait couramment, à part la version française, assez sobre avec le nom du groupe et chaque titre 
imprimé recto verso  sur fond jaune. 
What Do I Get? est une chanson touchante dans laquelle Pete Shelley raconte la détresse de la solitude et l'envie de vivre à deux, sans pour autant parler d'avoir une petite amie, il joue sur l'ambiguïté.


I only get sleepless nights
Alone here in my half-empty bed
For you, things seem to turn out right
I wish they'd only happen to me instead
What do I get, oh-oh, what do I get?
What do I get, oh-oh, what do I get?

Pete Shelley: je disais qu'on pouvait écrire des chansons d'amour différemment. Je me considérais comme bisexuel, je trouvais ça logique. Quand David Bowie est apparu dans les années soixante-dix, j'avais l'impression que j'étais comme lui. Le problème, quand je disais que j'étais gay, c'était que ma copine était complètement perdue. Pourtant, la sexualité a plus à voir avec l'individu qu'avec le sexe. Si tu tombes sur la bonne personne, tout peut arriver.*

Linder: les Buzzcocks avaient énormément d'humour, et ils étaient très attachants. Rien à voir avec The Clash. Les Buzzcocks étaient plus sexuels, plus ambigus et plus imprévisibles.* 

L'album sort au mois de mars et sa pochette, comme la musique du groupe, se démarque du genre punk. Elle est sobre, grise comme le ciel de Manchester et le groupe est habillé en noir. Another Music In A Different Kitchen, un titre qui rappelle l'univers de travail de Linder Sterling. Le groupe se fait d'ailleurs photographier dans des magasins de cuisines pour la promo de l'album.

Jon Savage: durant l'hiver 1977, Buzzcocks ont remplacé Garth par Paddy Garvey et se sont concentrés sur l'enregistrement de leur premier LP et du single associé, le pur pop What Do I Get? (...) paru en février 1978. Au moment où leur premier album, Another Music In A Different Kitchen, dont le titre est tiré d'un des montages emblématiques de Linder, est sorti en mars 1978, les Buzzcocks étaient déjà incontournables. Leurs tournées incessantes avaient transformé leur duo de guitares en une machine parfaitement huilée, tandis que le producteur Martin Rushent avait perfectionné la profondeur sonore et les touches perceptuelles qui conféraient à leur énergie punk à la fois subtilité et longévité.(-)

L'album entre à la quinzième place des charts et y reste onze semaines. La machine est lancée et elle ne s'arrête plus. Buzzcocks reprend la route avec les Slits pour soutenir ce premier opus. La tournée débute le 2 mars à Swansea et se termine le 31 avec seulement quatre jours de repos. Elle passe par le Pays de Galles mais l'essentiel des concerts a lieu en Angleterre. 

Si 1977 est considérée comme l'année punk avec la popularité des Sex Pistols, Clash et Damned, le succès vient en 
1978 pour Buzzcocks qui avancent à leur rythme.

Pete Shelley: l'avantage d'être basé à Manchester, c'est qu'on n'a pas été pourris par l'impatience de signer. D'un coup, les maisons de disques voulaient investir dans cette musique et signer le plus de groupes possibles. A Londres, les médias étaient plus influents. Ici, personne ne nous emmerdait - il n'y avait que Paul Morley du NME et Tony Wilson à la télé. Il y avait moins de compétence et moins de conflit.*

Le 10 avril, Buzzcocks revient à la BBC pour une nouvelle session chez John Peel et joue la surprise en interprétant trois inédits, Noise Annoys, face B d'un futur single, Walking Distance et Late For The Train qui figureront sur le prochain album.

Le 14 avril sort le second single de l'année, I Don't Mind/Autonomy, suivi d'une nouvelle tournée en mai et juin avec Penetration, groupe de Birmingham assez novateur dont le premier single, Don't Dictate, est aujourd'hui une référence. Le single est un succès et Buzzcocks passe à Top Of The Pops pour la première fois. 

Tandis que le groupe travaille sur son prochain album, United Artists sort un troisième single, Love You More/Noise Annoys, fin juin. C'est un disque de transition entre Another Music In A Different Kitchen et Love Bites

John Robb: Buzzcocks étaient désormais à leur apogée et sortaient un single aux allures de standards tous les deux mois. A cette époque, ils réinventaient la chanson d'amour en la transformant en vignette douce-amère propulsée par le mur de guitares le plus massif et le plus intelligent du punk.*


Le paysage musical est en train de changer, en Angleterre le punk meurt peu à peu, les Sex Pistols n'existent plus depuis janvier, Lydon a formé Public Image Limited que certains détestent car trop novateur et pas assez punk, Damned se séparent en avril avant de se reformer en fin d'année, Gang Of Four et Ruts montrent une autre voie et à Manchester, The FallJoy Division et Magazine apportent également de la nouveauté. Même Buzzcocks, pourtant précurseurs du genre en 1976, avec les Pistols et les Ramones, pour faire simple, changent peu à peu d'orientation musicale.

Pete Shelley: on avait fait la tournée Another Music... suivie de Entertaining Friends avec Penetration et puis, il était temps de retourner en studio pour faire les démos du prochain album. J'avais déjà des chansons comme Nostalgia écrite dans ma chambre, chez ma mère, en 1974 (Penetration l'a ensuite reprise sur son premier album), Sixteen Again qui était de 74 et ESP que j'avais commencé en 1974 mais les paroles sont venues bien plus tard, peut-être au moment où nous l'avons enregistré pour la Peel session (ESP a été joué à la BBC en 1979, les paroles ont donc été écrites avant cette session). On a aussi fait Walking Distance et Late For The Train pour Peel, du coup, on n'a pas eu besoin de les enregistrer lors des sessions car les studios avaient déjà été payés pour ces démos. Raison d'Être avait été écrite en 1973, j'ai été surpris de voir comment on l'a joué pour les démos de Love Bites et je ne sais absolument pas pourquoi elle n'a pas été inclue à l'album.

Les 17 et 18 juillet, ils enregistrent treize démos avant de revenir aux Olympic Studios avec le producteur Martin Rushent pour l'enregistrement de Love Bites qui sort en septembre. 

Liz Naylor (fanzine City Fun): les albums des Buzzcocks étaient truffés d'idées géniales, très proches du postpunk.*

Pour autant, le groupe ne calcule rien de tout ça et ne souffre d'aucune baisse de régime, au contraire. C'est juste que Shelley, Diggle & co savent écrire de très bonnes chansons et n'hésitent pas à travailler de nouvelles idées. 

Jon Savage: Love Bites est l'album le plus sous-estimé de la trinité Buzzcocks chez EMI/United Artists. Il est arrivé dans une période trouble pour le groupe et la cuture qui l'accompagnait. Après la séparation des Sex Pistols de Rotten en janvier 1978, le punk semblait fini: sa dynamique initiale s'est dissipée en mouvements et contre-mouvements, power-pop, post-punk, revival mod. En tant que groupe punk de premier plan, les Buzzcocks risquaient de devenir le futur gang d'hier. Du moins, c'est ce qu'il semblait.

En réalité, 1978 a été une année extraordinaire pour le groupe. Ils ont sorti deux albums, cinq singles - tous des succès, dont deux dans le top 20 - et ont tourné sans relâche.(*)

Le premier simple extrait de Love Bites sort le 8 septembre et c'est une fois de plus une surprise (car éloigné du punk originel) et un vrai hit. Ever Fallen In Love... (With Someone You Shouldn't've?)/Just Lust fait un carton dans les charts et permet au groupe de passer à nouveau à Top Of The Pops. Le 1er octobre débute une nouvelle tournée qui dure jusqu'en novembre, Buzzcocks sont accompagnés de Subway Sect

La maison de disque met une fois de plus le paquet pour que les disques se vendent, radio, TV, interviews, tout y passe et Buzzcocks semblent infatigables. Le 18 octobre, nouvelle session radio chez John Peel et nouvelle surprise, le groupe joue une chanson de Love Bites et deux titres inédits qui ne voient le jour en single qu'en novembre. Le 14 du même mois, Buzzcocks passe au Old Grey Whistle Test de la BBC. 
L'année se termine et déjà le groupe se prépare à enregistrer son troisième album. Une nouvelle session aux Indigo Sound Studios de Manchester est prévue pour février 1979, mais c'est une autre histoire. 

A suivre...

Part 2

Fernand Naudin

Sources:
(-) Another Music In A Different Kitchen CD 2008
(*) Love Bites CD 2008
(**) Chronology (CD EMI 1997)

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