EP allemand de 1980 |
Chris Spedding est impressionné par la présence de Rotten, par son charisme et par le style musical des Sex Pistols. Il sent leur potentiel mais au lieu de faire le VRP pour McLaren, il lui propose une session studio pour démarcher les maisons de disques à l'aide de démos. Ils conviennent d'en reparler, Spedding a bien compris qu'il y a quelque chose à faire avec les Sex Pistols. Le 9 mai, il se rend à une répétition au local de Denmark Street. Ils sont encore meilleurs qu'en mars au 100 Club. Convaincu qu'il doit les aider, il contacte Mickie Moss, patron du label RAK records pour lui demander de financer une journée de studio. Moss accepte.
Sex pistols et C Spedding. Photo Ray Stevenson |
C'est ainsi que le 12 mai, les Sex Pistols arrivent aux Majestic Studios avec leur manager et les frères Stevenson, Nils, le tour manager et futur manager de Siouxsie & the Banshees et Ray, le photographe qui va shooter une bonne partie de la scène Punk londonienne. Les studios appartiennent à RAK, ils se situent dans l'ancien Majestic Cinema et ont déjà vu passer des artistes tels que Brian Eno et David Bowie. À l'arrivée du groupe, Chris Spedding explique comment les choses vont se dérouler et demande combien de titres seront enregistrés au cours de la journée. Il y en a trois :No Feelings, Pretty Vacant et Problems. Il voit très vite que les Pistols sont tendus car c'est leur première session studio, ils ont le trac. Pour ne rien arranger, McLaren fait le patron, ce qui exaspère à peu près tout le monde.
Spedding propose aux Sex Pistols de jouer live afin, dit-il, de régler le matériel. En fait, il enregistre en direct, sans rien dire, pour éviter de leur mettre une pression supplémentaire. Trois versions de No Feelings, une de Pretty Vacant et une de Problems sont mises en boîte au milieu de la journée. L'après-midi est consacré à des overdubs sur No Feelings et Problems (un solo est ajouté). Il montre quelques astuces à Steve Jones afin de simplifier son jeu du guitare, ses relations avec le groupe sont excellentes et le resteront jusqu'à aujourd'hui. A 16 heures, le travail est quasiment terminé, le mixage définitif se fait trois jours après, le samedi 15 mai. C'est pour cette raison que bon nombre de livres et archives donnent cette date pour la session au Majestic Studios, mais en réalité l'enregistrement a eu lieu le 12. Une fois le mixage fini, Spedding fait des copies cassettes aux Sex Pistols et à Malcolm McLaren qui vont les utiliser pour la presse et les maisons de disques.
Le 31 juillet, les trois titres font partie de la play-list de John Ingham dans le magazine Sounds ce qui agace certains journalistes et le milieu musical dans son ensemble. Ce petit groupe d'amateurs n'a rien à faire dans un journal comme Sounds et la rumeur selon laquelle Chris Spedding aurait enregistré le groupe "en secret" pour faire les parties de guitare à la place de Steve Jones commence à se répandre... Le 17 décembre 1976, après la sortie du premier simple Anarchy In The UK sur E.M.I., l'animateur radio Roger Scott affirme en direct sur Capitol Radio qu'il ne passera pas le single car les Sex Pistols ont eu des difficultés à l'enregistrer et qu'ils ont fini par être remplacés par des musiciens de studio. Par conséquent, il considère que ce n'est pas un disque des Sex Pistols. McLaren, furieux, appelle la radio pour démentir mais le mal est fait, on ne lui laisse pas l'antenne et Roger Scott jubile.
Mickie Most, le boss de RAK, écoute la cassette et la déteste immédiatement. Il refuse de signer les Pistols mais une semaine plus tard, lorsqu'il apprend que CBS pourrait négocier avec McLaren, il se ravise et s'arrange pour le rencontrer mais rien de bon ne ressort, les Pistols ne sortiront rien sur RAK. Spedding fait ensuite écouter les démos à Chris Thomas, producteur avec qui il a l'habitude de travailler. Ce que Thomas entend lui plaît, il sent qu'il y a quelque chose à faire. En octobre 76, il prend la place de Dave Goodman et devient le producteur exclusif des Sex Pistols à compter du premier single jusqu'à l'album et même après.
Début 1980, des bootleggers allemands mettent la main sur les démos. Ils sortent un EP fait à partir d'une copie de énième génération du master studio. Le son n'est pas vraiment mauvais, mais ce n'est pas super propre non plus, d'autant que le dernier titre est coupé à la fin de la face B, dommage... Ce bootleg présente toutefois l'avantage de mettre ces trois titres sur le marché pour la première fois. Il faut ensuite attendre 1996 et la reformation du groupe pour que Virgin se souvienne des Sex Pistols. Les trois titres complets sont ajoutés à une réédition de Never Mind The Bollocks qui sort en double CD avec le bootleg Spunk et quelques outtakes en bonus.
La même année, et les deux suivantes, le label Man's Ruin du regretté Frank Kozik sort trois splits 7" avec, sur les faces A, les 3 démos des Pistols et sur les faces B, des titres des groupes Punks canadiens Curse, Sofisticatos et The Ugly. Une bonne façon de faire connaître ces formations assez obscures des late 70's. Pour les collectionneurs hardcore, Kozic a tout prévu, chaque split sort avec 4 pochettes légèrement différentes les unes des autres, avec toujours la même photo mais des couleurs qui varient.
Virgin sort ensuite le coffret SEXBOX1 (2002) sur lequel figure à nouveau les démos Spedding, sans rien de plus et ce n'est qu'en 2020 qu'Universal - qui a racheté le catalogue des Sex Pistols à Virgin - sort un coffret de trois CD dans lequel figure l'intégralité de la session, c'est-à-dire Problems, Pretty Vacant et les trois prises de No Feelings.
Sans lui attribuer tous les mérites, il faut reconnaître que Chris Spedding a joué un rôle important au début de la carrière des Sex Pistols. Il les a produits puis appuyés auprès de Chris Thomas et de certaines maisons de disques ce qui a peut-être facilité le travail de Malcolm McLaren pour démarcher E.M.I., A&M et plus tard Virgin, au moins pour l'Angleterre. Enfin, il a toujours défendu le groupe face à ses détracteurs, aujourd'hui encore. Il a toujours nié avoir joué les parties de guitare à la place de Steve Jones lors de cette session de mai 76 et plus tard pour l'album Never Mind The Bollocks. Certains, pourtant, croient encore à cette légende, malgré tous les démentis de l'intéressé dans la presse et à la télévision.
Fernand Naudin
Spécial thanks to Sex Pistols Photo Archive
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