Cet article a déjà été publié ailleurs. Je le partage ici, mis à jour, en hommage à Wayne Kramer et Dennis Thompson disparus récemment.
Rest in peace Brother Wayne.
MC5 : DU GARAGE 60'S AU ROCK N'ROLL HIGH ENERGY
Lincoln Park, banlieue de Detroit, 1963. Amis d'enfance, Frederick Dewey Smith et Wayne "Kramer" Kambes se retrouvent dans un groupe nommé The Bounty Hunters, un groupe de reprises formé par Wayne Kramer dans lequel jouent un troisième guitariste et un batteur intérimaire. Manque un bassiste...1964, Smith et Kramer connaissent Robert "Tyner" Derminer, un poète fan de Jazz, pas franchement attiré par le Rock N'Roll (mais qui avoue toutefois aimer les Rolling Stones). Après quelques changements de personnel, ils lui proposent de venir jouer de la basse, ce qu'il accepte avant de quitter le groupe quelques mois plus tard. Le bassiste Pat Burrows le remplace et le batteur Bob Gaspar vient compléter la formation. Tyner revient début 1965 mais prend la place de chanteur. N'aimant pas trop le nom The Bounty Hunters, il propose quelque chose en rapport avec l'univers dans lequel évolue le groupe, Detroit et son industrie automobile: Motor City 5 qui devient vite MC5.
La formation, désormais à peu près stable, joue des covers partout où c'est possible et participe à toutes les 'battles' du secteur, ces compétitions très en vogue à l'époque destinées à donner un coup de pouce aux meilleurs. Bientôt, Black To Comm, la seule composition du groupe, vient enrichir la set-list. Un soir, Rob Tyner invite un ami, Michael Davis, à venir voir le groupe jouer dans un bar. Davis fait la connaissance du reste du groupe et le courant passe bien avec tout le monde. Progressivement, Burrows se trouve plus ou moins poussé vers la porte de sortie pour être remplacé par Davis. Wayne Kramer recrute ensuite un copain batteur, Dennis "Thompson" Tomich avec lequel il a joué dans une première version des Bounty Hunters. Dennis Tomich devient "Machine Gun Thompson". Cette fois, le 'Five' est prêt, l'histoire peut commencer.
Les répétitions ont lieu chez la mère de Wayne Kramer, au sous-sol. Des titres y sont d'ailleurs enregistrés et figurent sur l'album 66' Breakout sorti en 1999 (Total Energy).A force de concerts, le groupe rencontre John Sinclair, figure locale de la contre-culture et consommateur de marijuana. Il tient un journal, Trans-Love, et va bientôt créer le White Panther Party, basé sur ce que fait le Black Panther Party qu'il soutient. Il devient progressivement manager du MC5 via Trans-Love Energies, une organisation qui gère, entre autres, MC5 et The Psychedelic Stooges, futurs Stooges. Les répétitions ont désormais lieu chez lui, à Detroit. Hiver 1966, enregistrement de deux titres aux United Sounds Studios de Detroit: I Can Only Give You Everything et I Just Don't Know. C'est la première fois que le groupe met les pieds dans un studio professionnel. I Can Only Give You Everything est une reprise de Them, I Just Don't Know est une composition du groupe. Toujours au cours de l'hiver, une nouvelle session a lieu, aux Terra Sherma Studios de Detroit cette fois-ci, pour ce qui sera la face B du premier single: One Of the Guys.
Wayne Kramer: on avait travaillé les arrangements d'un titre des Rolling Stones, Down Home Girl, durant toute une répétition. et nous avons réalisé que si nous étions capables de bosser aussi dur sur une chanson, autant que ce soit une des nôtres. Tyner est sorti quelques minutes et il est revenu avec des paroles. "j'ai juste écrit une protest-song" a-t-il déclaré. Un peu plus de travail et One Of The Guys était né. Enregistré en une journée (trois heures en fait, car Edwin Star avait réservé la session suivante, mais il n'était pas encore là).1967, le single I Can Only Give You Everything / One Of the Guys sort sur le label AMG. A peu près à la même époque, le groupe commence à jouer au Grande Ballroom, salle de Detroit qui va devenir mythique. Mars 1968, sortie du single Looking At You/Borderline sur le label de Jeep Holland A-Square Records. Les deux titres, produits par John Sinclair, ont été enregistrés aux United Sounds Studios au mois de janvier.
4 Avril 1968, Martin Luther King est assassiné. La ville de Detroit craint des émeutes comme l'année précédente et décrète un couvre-feu qui engendre de gros problèmes financiers pour MC5 dont les revenus proviennent majoritairement des concerts qui ne peuvent donc plus avoir lieu. Le 6 avril, la maison de Sinclair est détruite par un incendie criminel, tout le monde déménage à Ann Arbor dans un manoir où se retrouvent MC5, les membres de l'organisation Trans-Love Energies et le groupe The Up au sein duquel joue le bassiste Gary Rasmussen qui rejoindra plus tard Sonic's Rendezvous Band. A partir du printemps 68, MC5 partage la scène avec The Psychedelic Stooges, The Up et The Rationals de Scott Morgan au Grande Ballroom. Danny Fields assiste à un concert et persuade Jac Holzman, patron d'Elektra, de signer MC5 et les Stooges. Holzman se laisse embarquer dans l'histoire et signe les deux groupes (le contrat pour MC5 s'élèverait à $50.000, une somme énorme pour l'époque). Holzman propose de sortir un premier album enregistré live, ce qui est totalement à contre-courant des habitudes de l'époque. Les concerts des 30 et 31 octobre 1968 au Grande Ballroom de Detroit sont immortalisés sur bande afin de servir au futur album. Bruce Botnick et Jac Holzman se chargent de la production, et une partie de l'album est enregistrée dans l'après-midi du 30 octobre, sans public, seulement avec Holzman et Botnick. Les concerts sont partiellement filmés en Super 8.
Février 1969, sortie de l'album Kick Out The Jams aux USA. La pochette est signée Robert Heimall et William Harvey. Heimall est le designer officiel d'Elektra, celui qui fera les pochettes et le logo des deux Stooges et de bien d'autres artistes maison. Quelqu'un qui a tout compris au design de son époque. A peine sur le marché, le disque est censuré par les chaines de magasins Handleman Co. et Hudson's qui voient d'un très mauvais œil le mot Motherfucker qui figure à la fois dans le texte de Sinclair, à l'intérieur de la pochette, et sur l'enregistrement, en introduction du titre Kick Out The Jams.
Hudson's a du poids, il refuse de stocker l'album et menace Elektra de retirer les autres artistes maison de ses rayons si rien n'est fait pour supprimer le mot Motherfucker. La réaction de John Sinclair ne se fait pas attendre, il place une annonce dans un journal d'Ann Arbor sur laquelle on peut lire ces mots: 'Kick out the jams motherfucker and kick in the door if the store won't sell you the album on Elektra' et juste en dessous, en gras, 'FUCK HUDSON'S !'. De quoi ravir Jac Holzman.... qui voit tous les disques de son catalogue retirés des rayons de chez Hudson's !
Mars 1969, MC5 débute l'enregistrement du futur album Back In the USA aux Elektra Sounds Studios de Los Angeles. Sinclair prend connaissance des modifications faites à Kick Out The Jams, son texte a disparu de la pochette et 'Motherfuckers' est devenu 'brothers and sisters' sur l'enregistrement. Il rencontre Jac Holzman pour négocier une rupture de contrat, qu'il obtient. MC5 n'est plus chez Elektra après seulement un album.
En avril, Danny Fields, encore lui, informe John Sinclair qu'Atlantic est prêt à signer le groupe. Après une rencontre à New York, Sinclair revient avec un contrat et une avance pour l'enregistrement de Back In the USA qui a lieu aux GM Studios de Detroit. Une session du 21 au 25 juillet 1969 voit le jour en 1994 sur le CD American Ruse (Total Energy). L'enregistrement se termine en octobre, mois de sortie du premier single sur Atlantic, Tonight/Looking At You. A la même époque, le groupe se sépare de Sinclair qui est emprisonné pour possession de marijuana.
Janvier 1970, sortie de l'album Back In the USA suivi du single Shaking Street/American Ruse en mars. Fin juillet, MC5 s'envole pour l'Angleterre, c'est la première fois que le groupe quitte les USA. Il participe au Phun City Festival de Worthing, puis joue à Londres avant de passer en France, semble-t-il, pour une seule date à Biot, sur la cote d'Azur. Bien que l'information circule sur des pages de fans, elle est à prendre avec prudence car il n'existe aucune trace de la présence du groupe au festival Popanalia, au nord d'Antibes. Malgré le soutien de RTL, l'événement est un véritable fiasco, une majeure partie des groupes prévus ne joue pas et côté MC5, aucune preuve de rien, le nom du groupe n'est même pas sur l'affiche.
De retour aux USA, les concerts s'enchaînent aux côtés des Stooges, Alice Cooper, Ike & Tina Turner et bien d'autres. Infatigable, le groupe trouve même le temps de travailler sur le prochain album High Time qui sera son dernier. En Novembre, une répétition des nouveaux titres a lieu aux Head Sound Studios d'Ypsilanti, entre Ann Arbor et Detroit: Power Trip /The Pledge Song /Head Sounds figurent sur l'album Power Trip de 1994 (Total Energy). Après cela, les tournées reprennent et ne vont pas s'arrêter. Les concerts ont lieu à travers tout le pays, Floride, Illinois, Michigan, Texas, MC5 sillonne les USA en long en large et en travers. Rien qu'en 1970, ce sont plus de 80 concerts qui ont lieu et 1971 débute de la même manière, la route, encore la route, toujours la route jusqu'à la sortie de l'album High Time le 15 juillet. Album qu'il faut soutenir... par des concerts. MC5 repart donc en tournée. Sur l'année, le rythme est quasiment d'un concert par semaine, toujours aux USA. L'année d'après, le groupe s'envole pour le Royaume-Uni et l'Europe. Après quelques dates à Londres et Croydon, Michael Davis quitte le 'Five' et est remplacé par Steve Moorhouse pour le reste de la tournée qui se poursuit par Mulhouse, Jouy-En-Josas, Paris (Gibus), Dourges et une halte au célèbre château d'Hérouville pour enregistrer une session live au Strawberry Studio diffusée en fin d'année à l'émission TV Rock En Stock. La version audio est disponible sur l'album Thunder Express (Munster Records, Jungle, etc). Suivent des dates en Allemagne dont un passage au Beat Club le 25 mars. Le groupe rentre aux USA pour quelques concerts en avril, puis revient en Europe et au Royaume Uni accompagné d'un nouveau bassiste, Derek Hugues. Entre temps, l'émission de TV française POP2 diffuse un extrait de concert à Aylesbury filmé en février, lors de la première tournée anglaise. Après de nombreuses dates au Royaume Uni en juin, MC5 passe au Paradiso d'Amsterdam le 13 juillet, en Belgique et revient à Londres pour participer au premier Rock N'Roll Show. L'événement, gigantesque, a lieu au stade de Wembley devant 60000 personnes, MC5 partage l'affiche avec les légendes des 50's, Little Richard, Jerry Lee Lewis et Chuck Berry.
Le 4 novembre, l'émission de TV française POP2 rediffuse un passage au château d'Hérouville de Rock En Stock.
Le 11 novembre, un concert à Zurich est annulé. Dennis Thompson et Rob Tyner quittent le groupe dont les semaines sont désormais comptées. Le batteur Ritchie Dharma assure les dates à venir et les deux guitaristes remplacent Tyner à tour de rôle. Le passage au Bataclan de Paris est filmé par POP2, mais aujourd'hui il n'en existe plus aucune trace et de toutes façons, ce concert est un désastre, il se termine en bagarre générale. Une quinzaine de dates en Italie sont annulées et le 'Five', qui n'est plus que quatre, se sépare définitivement après un dernier concert, le 31 décembre, au Grande Ballroom de Detroit.
Au début des années 2000, les trois survivants, Davis, Kramer et Thomson forment le DKT/MC5 pour des concerts à travers le monde, avec des invités qui varient selon les soirs. Le 21 février 2005, j'assiste à un show mémorable à Bordeaux, les trois du 'Five' ayant invité Lisa Kekaula des Bellrays et Handsome Dick Manitoba des Dictators pour mettre le feu aux planches. Je me souviens de Wayne Kramer, debout sur le long comptoir du club, sa fidèle Stratocaster en main pour des parties de guitares endiablées tandis que Dennis Thompson martelait ses fûts comme une machine de guerre. Mémorable.
Fernand Naudin
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