Anarchy in the UK, premier disque des Sex Pistols, sort le 26 novembre 1976 au Royaume-Uni. Il reste aujourd'hui un des singles cultes du punk anglais. Retour sur une histoire une peu... chaotique.
C'est au cours d'une répétition, au printemps 76, que Glen Matlock propose une nouvelle chanson à Steve Jones qui construit peu à peu ses parties de guitare sur les lignes de basse. John 'Rotten' Lydon a toujours des brouillons de paroles dans ses poches et veut chanter l'anarchie, un thème qu'il aborde parfois avec Jamie Reid, le designer du groupe. Il souhaite également exprimer sa colère envers l'establishment, surtout l'église catholique qui fait partie du système, de l'éducation, de l'école, une religion qui lui a mené la vie dure.
Quoi de mieux qu'un premier couplet qui commencerait par I am an antichrist, I am an anarchist, histoire de bien énerver les institutions? La mère de Glen Matlock déteste la rime antichrist/anarchist, Rotten considère alors que ses paroles sont efficaces, maman Matlock représentant l'anglaise middle class typique.
Le 13 juillet, un concert est prévu à Londres mais le propriétaire du club l'annule quelques jours avant. Le manager des Pistols, Malcolm McLaren, ayant réservé les services du sonorisateur Dave Goodman pour la soirée, propose d'enregistrer une maquette au QG du groupe, sur Denmark Street, à la place du concert. Le magnéto 4 pistes est installé au premier étage, dans la 'pièce de vie', au dessus du local de répétition. L'enregistrement se fait assez facilement, la plupart des titres faisant partie de la setlist des concerts à l'exception d'Anarchy in the UK, nouveauté du répertoire qui est assez lent comparé à la version définitive. Il doit encore être travaillé et joué sur scène. Construit sur la partie de basse de Matlock et les plans de Jones, le groupe utilise également deux anciens titres qu'il ne joue plus, dont un de 1975 nommé Mindless Generation, pour bien le structurer. Cette démo d'Anarchy figure, entre autre, sur le Mini Album (Chaos Records) et Spunk (l'officiel, pas le bootleg).
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| Mini LP avec la première démo d'Anarchy |
Courant août, les Pistols font plusieurs concerts au cours desquels ils continuent à roder le titre. En septembre, ils le jouent à la fois en intro et au rappel, lors des concerts au Chalet du Lac du bois de Vincennes, puis à la prison de Chelmsford et au 100 Club. Il paraît alors évident que dans le clan Pistols, on se prépare à l'éventualité de sortir Anarchy In The UK en single.
Le 8 octobre, un contrat discographique est signé avec EMI, la plus grosse major anglaise à ce moment-là. Le deal stipule que les Sex Pistols s'engagent pour deux ans et doivent fournir seize titres pour des singles et un album. De leur côté, McLaren et son gang exigent que le premier single soit Anarchy In The UK.
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| Début novembre, les nouveaux Beatles? |
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| Acetate 1 face d'Anarchy |
Malheureusement pour lui, le résultat ne convient ni à McLaren, ni à EMI. La version d'Anarchy In The UK est trop brute et difficile à passer en radio. Loin d'être mauvaise, elle voit le jour sur le bootleg Spunk, en 1977, où elle est rebaptisée Nookie, puis sur le double LP de The Great Rock N'Roll Swindle. Les Pistols enregistrent à nouveau Anarchy In The UK les 30 et 31 octobre 1976 aux Wessex Sound Studios, cette fois avec Chris Thomas et Bill Price qui vont se charger de tous les autres enregistrements du groupe en studio jusqu'à sa séparation.
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| Spunk avec Nookie |
Le 11 novembre, Anarchy In the UK est de nouveau enregistrée aux Lime Grove Studios pour la TV. C'est une prise live qui servira de play-back pour l'émission Young Nation.
Le 19 novembre, John Peel diffuse le single en exclusivité. EMI lui a offert un test pressing et le légendaire animateur de la BBC a un gros coup de cœur. Sans demander l'avis de personne et avant même que le disque soit dans les bacs des disquaires, il prend la décision de le diffuser à la radio. Pour la promo, EMI fait peu d'effort mais juge utile de payer quelques encarts publicitaires dans la presse, jusque dans un journal de foot !
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| Test Pressing de John Peel 17.11.76 |
Le 20, John Peel repasse le single à la BBC.
Le 26 novembre, le 45 tours Anarchy In the UK / I Wanna Be Me arrive chez les disquaires. Il est emballé dans une pochette toute noire pour éviter les problèmes de censure (l'anarchie au Royaume-Uni pouvant choquer le fan club de sa majesté) mais il bénéficie toutefois de belles pochettes dans des pays comme l'Allemagne et la Hollande, par exemple.
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| Pochette hollandaise |
Le 1er décembre, les Sex Pistols insultent le présentateur Bill Grundy en direct à la télévision et envoient leur carrière chez EMI en retraite anticipée. Le single est interdit par la BBC et la tournée Anarchy In the UK est un échec. John Peel ne peut plus diffuser le disque (et encore moins inviter le groupe à enregistrer live pour sa célèbre session).
Le lendemain, McLaren et son gang sont convoqués chez EMI qui envisage de transférer le contrat des Sex Pistols chez Virgin. La major n'apprécie pas du tout le scandale avec Grundy et ne se gène pas pour le faire savoir au manager. Dans la matinée, Sophie Richmond gère comme elle peut le scandale de la veille: arrive au bureau pour trouver James Johnson (Evening Standard) et un million d'autres journalistes au bout du fil. L'incident de la télé fait la une des journaux. Comment réagir? Cela semble si grotesque. Rendre tant de gens hargneux doit être le fruit d'une machination. Malcolm reste hébété. Je l'entraîne dans un café pour écrire un communiqué de presse... (*)
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| Erreur de crédit sur la face B |
L'Anarchy In The Tour est un désastre financier, les pertes s'élèvent à plus de £10.000. EMI rompt le contrat avec les Sex Pistols et l'annonce par voie de presse le 5 janvier 1977 alors que le gang et son manager sont en Hollande.
Le message de la maison de disque évoque une rupture d'un commun accord. Lorsque McLaren l'apprend, il est furieux et contacte les médias pour démentir mais c'est trop tard. EMI fait un chèque (dû par contrat) à McLaren et se débarrasse ainsi des quatre bad boys ingérables.
Le single Anarchy In the UK/I Wanna Be Me n'est plus disponible dans les magasins du Royaume-Uni et après avoir signé un deal avec Glitterbest, Barclay exporte le pressage français outre Manche, sans oublier de mentionner 'banned in the UK' sur la pochette.
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| Single Barclay 1977 |
Par la suite, différentes versions sont commercialisées, dont une réédition assez réussie du single EMI original, puis un picture-disc pour le RSD, des versions 'replica' avec pochettes européennes, etc.
Anarchy In The UK reste une des chansons punks les plus connues. Aujourd'hui, le single original devenu culte est aussi recherché que le premier Damned sorti un mois avant.
Fernand Naudin
(*) L'Histoire Intérieure de Fred et Judy Vermorel. 1978, éditions Speed 17










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