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MONSTER STORY - BUZZCOCKS - EARLY DAYS PART 1 - 1976


L'histoire des débuts de Buzzcocks est connue, c'est après avoir lu un article dans le NME et vu les Sex Pistols dans la banlieue de Londres en février 1976 qu'Howard Devoto et Pete Shelley forment le groupe, en gestation depuis quelques mois déjà.

Howard Devoto: en novembre 1975, j'ai collé une annonce dans ma fac juste pour voir. Deux types y ont répondu, dont Pete Shelley. On s'est mis à faire de la musique (...) on a essayé une reprise des Troggs. A un moment, on a même essayé Satisfaction des Stones.(...) On était à trois dans une chambre à essayer de mettre quelque chose sur pied. J'essayais désespérément d'amener un côté Stooges. On essayait une ou deux chansons de Fun House, j'apprenais les paroles en écoutant l'album.(...) On n'avait pas encore de nom, on ne savait pas ce qu'on faisait et on n'avait pas d'objectif. Et sans batteur, c'était difficile de vraiment se lancer.*

Shy Talk reprend le titre du journal
Un nom, ils vont finalement en trouver un. Il vient d'un article de journal qui titrait 'It's the buzz, cock!', rien à voir avec un sexe qui bourdonne ou un vibromasseur, comme on peut souvent le lire ou l'entendre ici et là. En argot de Manchester, 'cock' c'est un 'pote', un 'copain', l'équivalent de 'buddy' ou 'mate', et l'expression 'get the buzz' signifie s'exciter, s'éclater, se lâcher, essentiellement lors d'une fête ou d'un concert. Par conséquent, Buzzcocks fait allusion à des potes qui se lâchent sur scène et non à des 'bites qui bourdonnent'.

De retour à Manchester, Pete McNeish devient Shelley, le prénom que ses parents lui auraient donné s'il avait été une fille. Dans une interview datant du début des 90's, il explique que cela lui convenait parfaitement à l'époque, son prénom masculin lié à un prénom féminin symbolisait en quelque sorte une sexualité ambiguë, ne sachant pas s'il aimait les femmes, les hommes ou les deux. Howard Trafford, désormais chanteur, se baptise Devoto. Ensemble, ils recrutent deux musiciens, Garth Davies Smith, basse, et un certain Dennis à la batterie, puis font très vite leur premier concert en avril 1976 dans leur université de Bolton.

Howard Devoto: on n'a même pas réussi à répéter pour ce premier concert. Peter et moi avions rapidement survolé les chansons. Je pense qu'on espérait que le reste du groupe suivrait (...) Quand on a fait Diamond Dog, il a donné la mesure deux fois plus lentement, on a fait une version ultra ralentie. Le public n'a pas trop aimé et on nous a débranché au bout de trois chansons. (...) Malgré ça, c'était une victoire pour nous. Même si ça n'a pas été le cas, je voulais que ça le soit et c'est ce que j'ai écrit sur une carte postale que j'ai envoyé à Richard (Boon).*

Concert organisé par Richard Boon

Richard Boon, ami d'Howard Devoto, étudie à Reading. Il a accompagné les futurs Buzzcocks aux concerts des Sex Pistols en février et a lui aussi sympathisé avec le groupe londonien qu'il invite à jouer à l'université de Reading à la fin du mois de mai. Boon devient rapidement le manager de Buzzcocks et crée, un peu plus tard, le label New Hormones. 

Le 4 Juin, les Sex Pistols jouent au Lesser Free Trade Hall de Manchester. En panne de batteur, les pauvres Buzzcocks doivent renoncer à faire la première partie qu'ils laissent à un groupe local nommé Solstice. Garth Davies quitte le gang de Shelley et Devoto qui recrute alors un nouveau bassiste, Steve Diggle, rencontré accidentellement le soir du concert au Lesser Free Trade Hall.

Pete Shelley: j'ai rencontré Steve Diggle à l'entrée du Free Trade Hall, il attendait un type qui n'avait rien à voir avec moi. J'étais au guichet et je donnais les tickets. Et puis, Malcolm McLaren, qui était dehors lui aussi, est allé voir à l'intérieur pour voir combien de personnes étaient dans la salle. Quand il est revenu, il a conseillé à Steve d'aller voir le concert. Puis il lui a demandé qui il était et l'autre lui a répondu: 'je suis le bassiste' en pensant que Malcolm était son rendez-vous. Tout de suite après, Malcolm s'est planté devant moi avec ce jeune type et me dit: 'voici votre nouveau bassiste'.*

Le bassiste est trouvé, reste à recruter un batteur. Après le concert au Lesser Free Trade Hall, Buzzcocks font la connaissance de John Maher.

Steve Diggle: on a été rejoint par John Maher qui jouait de la batterie depuis seulement six semaines. Il s'est pointé à une répétition et il a été génial. Quand il nous a avoué qu'il jouait depuis six semaines, on a pensé qu'il se foutait de nous. Ça fonctionnait très bien entre nous. On avait trois semaines pour élaborer le set avant le deuxième concert des 
Pistols.*

Pete Shelley achète une guitare d'occasion, une Starway. Lors d'une répétition, elle tombe et la caisse se casse au dessus du niveau du manche. Shelley, constatant que la guitare fonctionne toujours, décide de continuer à l'utiliser. Punk rules, ok !

Buzzcocks répètent avec les nouveaux membres et peuvent ainsi assurer leur second concert, le 20 juillet, en première partie des Sex Pistols qu'ils ont de nouveau invités à se produire dans la même salle qu'en juin, le Lesser Free Trade Hall. Slaughter & The Dogs, autre groupe de Manchester, joue en tout début de soirée. La scène punk locale se précise, même si personne ne se connait vraiment.

Mick Rossi: on avait entendu parlé des Sex Pistols et des Damned mais c'est seulement quand on les a vus jouer en première partie des Pistols qu'on a connu les Buzzcocks. On trouvait ça bien qu'il y ait un autre groupe qui fasse ce genre de musique.*

Le troisième concert de Buzzcocks a lieu au Ranch's, une petite salle au sous-sol d'une boîte de nuit de Manchester, le Foo Foo's Palace.

Howard Devoto: à l'époque, c'était le seul endroit où la scène punk se retrouvait. Les amateurs de Bowie y allaient, ils passaient du Lou Reed. Les soirées punks étaient organisées par le club de Foo Foo Lamarr. C'était un endroit complètement loufoque et surprenant. Ça rappelait le El Paradise Strip club de Soho où les Pistols jouaient parfois.*

Screen On The Green. Photo Cindy Stern
Fin août, le groupe de Shelley et Devoto joue au Screen On The Green d'Islington, un vieux cinéma dans la banlieue de Londres. L'événement, baptisé Midnight Special, réunit Sex Pistols, The Clash et Buzzcocks. Dans le public se trouvent la punkitude londonienne du moment, le Bromley Contingent, Sid Vicious, Cat Woman, ainsi que Lizzy Mercier Descloux et son compagnon Michel Esteban. Il est la connexion entre McLaren et Pierre Benain qui fera jouer les Sex Pistols au Chalet du Lac près de Paris le mois suivant. Buzzcocks jouent une dizaine de titres et par chance, le concert est enregistré par un spectateur et voit le jour au début des années 2000. Un témoignage important de la prouesse du groupe capable de rivaliser sans complexe avec les gangs londoniens après seulement une poignée de concerts et quelques répétitions.

Photo Michel Esteban
Les relations avec les Pistols sont excellentes au point qu'ils sont de nouveau invités à Londres pour participer à la soirée Punk Special au 100 Club le 21 septembre. Le look a évolué en même temps que le répertoire. En août, Devoto s'est acheté des vêtements chez Sex, la boutique de McLaren et Westwood, Pete Shelley se teint les cheveux et utilise toujours sa Starway cassée.

Electric Circus 10 nov. 76. Photographe inconnu
Portés par l'excitation du moment, ils enregistrent une dizaine de titres au Revolution Studio de Manchester courant octobre. Ces démos sont très vite disponibles grâce au bootleg Time's Up officialisé depuis. Comme l'indique la pochette de l'album, l'enregistrement se fait live, sans overdubs, sans remix, en un après-midi. Le résultat est vraiment très bon, il témoigne encore une fois des capacités de Buzzcocks à progresser vite et bien.

Au mois de décembre, l'Anarchy In The UK Tour passe par Manchester. Les Damned ont été virés de la tournée et Buzzcocks les remplacent. Ils jouent deux fois à l'Electric Circus, une salle découverte par Richard Boon et son groupe quelques temps auparavant et qui va sauver une partie de la tournée de l'anarchie bien mal en point. Là encore, quelqu'un a la bonne idée d'enregistrer la soirée ce qui permet de constater que la prestation de Buzzcocks est parfaite.

Electric Circus 28 nov. 76. Photo Ted Ask
Richard Boon: on voulait faire un concert plus important à Manchester et on a découvert l'Electric Circus, une salle de concert heavy metal sur le point de fermer. On les a persuadés de nous laisser jouer un jour creux. 
On prendrait l'argent des tickets, et eux, celui du bar. Après, quand l'Anarchy Tour est passé par Manchester, il y avait un endroit où faire jouer les Pistols.*

Steve Diggle: au moment de l'Anarchy Tour, il y avait des punks partout. La presse avait amplifié le phénomène. Comme on venait de Manchester, les gens se sont rendus compte qu'il se passait des choses en dehors de Londres (...) Les Pistols nous aimaient bien. On s'est bien entendu toutes ces années. On était proches parce que le mouvement était né avec nous (...) Pendant le tournée, Malcolm McLaren nous a dit: 'écoutez, vous devez signer pendant que ça marche'. Mais on a pris notre temps. Notre disque est sorti des siècles plus tard. A l'époque, il y avait Stiff Records et des tonnes de gens qui faisaient leurs disques eux-mêmes. On a seulement décidé qu'on accepterait la proposition qui nous semblerait la plus réglo.*

Electric Circus 9 déc. 76. Photographe inconnu
Clint Boon: les Sex Pistols et Buzzcocks à l'Electric Circus, quelle soirée ! C'était très stimulant. On compren
ait qu'on pouvait apprendre à jouer de la guitare comme ça, en une journée. Tout ce dont je rêvais était possible. A la fin du concert, on se sentait très à l'aise face à ce qui se passait (...) Tout ce que j'ai fait depuis, c'est grâce à cette soirée.*

Au mois de janvier 1977 sort Spiral Scratch qui contient l'hymne Boredom. Ce E.P. 4 titres totalement auto-produit est considéré aujourd'hui comme l'une des références punks D.I.Y. La session d'enregistrement a lieu le 28 décembre 1976 aux Indigo Sound Studios de Manchester, tout se fait live comme pour Time's Up et le producteur Martin Zero n'est autre que Martin Hannett qui produira, entre autre, Joy Division.

Goeff Travis (Rough Trade): Spiral Scratch est le premier vrai disque D.I.Y. Il capture l'esprit de l'époque et c'est un super album. On a acheté des exemplaires auprès de Richard Boon qui n'arrêtait pas de faire des aller retour sur Londres pour nous approvisionner. Le disque était tellement réussi et il marchait tellement bien qu'il nous a poussé à former un réseau de distribution indépendant à l'échelle nationale. Rough Trade doit beaucoup au talent des Buzzcocks.*

Richard Boon: on ne réalisait pas à quel point Spiral Scratch était important. Howard pensait reprendre ses études, il voulait juste laisser un témoignage du groupe. On a été pris par surprise par le succès du disque, ça nous a permis d'entrer en contact avec beaucoup de gens, dont Rough Trade qui a assuré la distribution. 
On en a vendu 16000 exemplaires, puis on a arrêté.*

Pete Shelley: il fallait vraiment être taré pour faire une chose pareille. Ça ne se faisait pas, à l'époque, c'était les maisons de disques qui étaient censées faire des disques, pas les groupes. Mais on s'est rendu compte que les fabriques qui pressaient des disques pouvaient le faire pour nous. On voulait juste faire un disque pour le montrer à nos potes. On en a d'abord pressé mille exemplaires avant d'en faire un peu plus.*

Jon Savage: ma première prise de contact avec Manchester, c'est Spiral Scratch. Je l'ai acheté immédiatement après sa sortie. Il y avait très peu de disques punks. Pour moi, c'est LE classique du genre, sa pochette était faite maison (...) il y avait toute cette philosophie DIY, ils avaient enregistré en une seule prise avec un seul overdub. (...) la musique était très brutale mais les guitares de Pete Shelley et la production de Marin Hannett rajoutaient une touche psychédélique.*

Il s'agit de la dernière session avec Howard Devoto qui s'en va au moment où le disque sort (il forme le groupe Magazine environ un an après).

Howard Devoto: ce qui était une nouveauté perverse est devenu une vieillerie aseptisée.*

Punk !

Après son départ, Pete Shelley devient guitariste chanteur, Steve Diggle, guitariste et Garth Davies revient quelques mois à son poste de bassiste avant de se faire virer en fin d'année 1977 pour être remplacé par Steve Garvey. C'est cette formation qui enregistre l'album Another Music In A Different Kitchen ainsi que les deux suivants.

Record Mirror 22 oct. 1977

Pete Shelley: je crois que les idées véhiculées par le punk ont vraiment enflammé l'imagination des gens. On n'en revenait pas. Il y avait des gens qui attendaient le punk et d'autres qui y ont réagi en prenant les armes. Le centre ville de Manchester était minuscule, il n'y avait que deux ou trois clubs où sortir. Les gens venaient de loin pour aller au Ranch's ou à l'Electric Circus.*

John Robb: après les concerts des Sex Pistols, les Buzzcocks, menés par Howard Devoto, jouèrent à plusieurs reprises au sein d'une scène punk bourgeonnante (...) Les Buzzcocks de Devoto furent peut-être le meilleur des groupes punks.*

A suivre...

Fernand Naudin

*Manchester Music City 1976-1996 par John Robb.

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