THE LIFE AND TIMES OF : PUNK IN THE 70'S

 


PUNK ! A lui seul, ce mot regroupe bien des choses, musique, look, fanzines, labels, clubs, et surtout, attitude.

1976 est souvent considérée comme "l'année de naissance" du punk, son éclosion, discographique, vestimentaire et culturelle, et en même temps son apogée qui ne durera finalement que jusqu'à la fin de l'année suivante, tout au plus. Ensuite, le Punk mutera, sera récupéré, travesti, marketé, avant de redevenir underground, ce qu'il est encore aujourd'hui, malgré les célébrations pompeuses et autres ridicules musées.

Mais avant tout cela, il y eut le Proto-Punk (Stooges, MC5, Death, La Rue, etc) le Glam (Bowie, Roxy Music, Sweet, T-Rex...) et bien sûr les 50's et 60's avec leurs lots de Rockers, Mods, Garage Bands et artistes de Rhythm N'Blues. Pour les Punks, Chuck Berry, Trashmen, Sonics, Velvet Underground, Who, Small Faces, Creation, Ike & Tina Turner et d'autres encore, comptent autant qu'Iggy et ses Stooges, David Bowie ou les New York Dolls.

Revenons donc au début des années 70. Des gosses veulent imiter leurs idoles et décident de former des groupes. Malheureusement, à cette époque, si on ne sait pas jouer comme Eric Clapton ou Jimmy Page, c'est plutôt mal engagé pour monter sur scène. Et même lorsque la formation tient la route, si on n'a pas une flotte de camions, des tonnes de matériel et un tas «d'amis» dans l'industrie musicale pour réussir, les choses semblent impossibles. Sans oublier que la mode est aux concerts en stades et que tout ce cirque est devenu à la fois pompeux, méprisant et terriblement ennuyeux. Où est la magie des 60's et les groupes qui jouaient dans des clubs? Où sont passés les musiciens que l'on pouvait approcher, avec qui on pouvait discuter après les concerts?

Ces 70's naissantes ne sont décidément pas du goût de tous. Vont alors se former des groupes qui ont envie de changer les choses et se moquent de savoir jouer comme Yes ou Pink Floyd. Finis les stades, finis les stars et leurs shows démesurés. Les solos de dix minutes et les chansons d'un quart d'heure sont bons pour la poubelle.

Perfecto, jean's déchirés et baskets usés jusqu'à la corde, avec les Ramones c'est droit devant, pendant 2 minutes maximum et sur trois accords. C'est là tout leur génie, avec une recette hyper simple, ils écrivent des titres fabuleux. Blitzkrieg Bop, Loudmouth ou Beat On The Brat sont intemporels, magiques et d'une efficacité extraordinaire.

Formé à New-York, dans le Queens (Forest Hill), le groupe donne un concert le 30 mars 1974 avec une structure différente de celle qu'on connaîtra plus tard. Dee Dee est guitariste et chanteur, Johnny guitariste et Joey batteur, mais la formule ne convient pas. Dee Dee devient alors bassiste et Joey passe au micro. Reste à trouver un batteur, ce sera Tommy qui fait son premier concert en tant que Ramone le 16 août 1974, soit deux ans avant «l'explosion» punk, si on peut appeler ça ainsi. Bien évidemment, les Ramones ne sont pas le seul groupe US du genre, il y a Johnny Thunders & the Heartbreakers formés en 1975, The Weirdos, The Nuns, et avant eux, Crime, tous trois sur la cote ouest, Frankenstein de Cleveland (avec d'anciens Rocket From The Tombs) qui deviennent les Dead Boys et s'exilent à New-York ou encore The Dogs de Detroit. L'année suivante apparaissent Dils, Randoms, puis Avengers en 77, et beaucoup d'autres.

Dans cette première partie des seventies se forment également deux gangs en Australie, les Saints et Radio Birdman. Ces derniers n'ont jamais vraiment été considérés comme un groupe Punk par la presse de l'époque, influencés à la fois par les Stooges, les groupes Garage et Psyché, Radio Birdman est encore aujourd'hui considéré comme une formation Proto-Punk plutôt que Punk. Les Saints, en revanche, y sont associés, au moins le temps des deux premiers albums. Musicalement proche des Ramones sur certains titres comme I'm Stranded, le style est toutefois un peu plus élaboré avec parfois solo et cuivres, ce qu'on ne trouve pas chez les faux frères new-yorkais. Formés à Brisbane en 1974, ils donnent leur premier concert la même année. Au début, leur set-list comprend des reprises de Ike & Tina Turner (River Deep Mountain High) et Del Shannon. Ils sortent leur premier single de façon totalement autonome en 1976 sur leur propre label, Fatal Records, ce qui leur permet de signer un contrat avec Harvest, une division d'EMI, en 1977. Côté look, on n'est pas chez les Ramones ou les Sex Pistols, les Saints semblent totalement éloignés du sujet, c'est aussi cela, le Punk, une attitude, une affirmation de soi, un choix. Même si le groupe a été largement ignoré, pour ne pas dire méprisé, par les médias à ses débuts, il n'en demeure pas moins que ses deux premiers Lps sont des incontournables du genre (au même titre que Radio Birdman même si le second album est sorti après le split du groupe). Enfin, comme les USA, l'Australie va connaître son lot de jeunes groupes excités à l'idée de prendre la place des dinosaures du Rock: X, formé par Ian Rilen qui deviendra bassiste de Rose Tattoo, Cheap Nasties, Scientists (dans lequel officie l'ex-Cheap Nasties Kim Salmon), The Victims, Manikins (ex-Cheap Nasties), The Boys Next Door (futur Birthday Party avec Nick Cave), The Chosen Few, etc.

Et l'Angleterre? Contrairement à ce qu'on peut lire ici et là, le Punk anglais n'est pas arrivé après les premiers groupes new-yorkais mais sensiblement au même moment (comme l'Australie, d'ailleurs). Les Swankers donnent leur premier concert début 1975 avec un line-up un peu différent de celui qu'on connaîtra par la suite sous le nom des Sex Pistols : Steve Jones est chanteur, Glen Matlock bassiste, Paul Cook batteur et Warwick « Wally » Nightingale (copain d'école de Cook et Jones) est guitariste. Le groupe joue des reprises et deux compositions, Scarface, qui devient Seventeen sur l'album Never Mind the Bollocks et Did You No Wrong, face B du single God Save the Queen. Après quelques mois de répétitions supplémentaires et le départ de « Wally », John Lydon est recruté comme chanteur par Steve Jones et Bernie Rhodes (futur manager de Clash) au mois d'Août 1975.

J'ouvre là une parenthèse pour ceux qui se seraient fait intoxiquer par certains discours de « spécialistes »: les Sex Pistols n'ont pas été « fabriqués » par leur manager, ils se sont rencontrés dans son magasin LET IT ROCK et réunis autours du guitariste Steve Jones. En 1973, après plus d'un an de galères avec des musiciens qui ne viennent pas aux répétitions, ou très rarement, Jones fait la connaissance de Glen Matlock (basse). La rencontre se fait au magasin de Malcolm McLaren où Matlock est vendeur occasionnel et Jones voleur occasionnel. Leur futur manager n'y est pas pour grand chose puisqu'il ignore que Matlock est bassiste (dixit Matlock lui-même). Steve Jones recrute ensuite John Lydon (Rotten) en 1975 avec l'aide de Bernie Rhodes qui va dans son sens face à un McLaren qui ne rêve que de Richard Hell ou Sylvain Sylvain. McLaren et Rhodes vont même jusqu'en Écosse pour rencontrer Midge Ure, futur Ultravox, afin de lui proposer de devenir chanteur du groupe. Sans succès, ils reviennent à Londres et le choix se porte sur Lydon, inconnu, débutant, inexpérimenté mais avec du charisme et un look hors-norme. Après une audition très particulière dans le magasin, où le futur chanteur mime Eighteen d'Alice Cooper tandis que le single passe sur le juke-box, il est donc recruté comme chanteur. Beaucoup de rencontres se font au magasin, un peu devenu un QG pour ces gamins en manque de repères. Magasin qui est devenu SEX où tous ces gosses traînent depuis quelques années déjà, d'où la légende du boys band formé par McLaren dans sa boutique. Si tous les groupes qui se forment autours d'une bière dans un bistrot devenaient le boys band du patron du bar, l'histoire du rock en serait saturée... Ce mythe grotesque vient de certains journalistes et de La Grande Escroquerie du Rock N'Roll film au scénario écrit par le mytho-mégalo manager où il apparaît comme le grand chef d'orchestre et fait passer le groupe (surtout Rotten) pour de simples marionnettes. Parenthèse refermée.

Les Sex Pistols, donc, vont inspirer du monde, beaucoup de monde et c'est sans doute pour cela qu'ils se font tant détester, encore aujourd'hui. En effet, lorsqu'on galère dans le circuit du Rock depuis des lunes, et qu'un groupe de gamins sortis de nulle part a tout à coup droit à une chronique dans le NME (article de Neil Spencer, février 76) après seulement 4 mois de concerts dans des universités, il y a de quoi être rouge de colère et vert de jalousie. C'est grâce à cet article du NME que vont se former Buzzcocks et la scène de Manchester. Howard Devoto et Pete Shelley montent leur groupe après avoir vu les Pistols à Londres. Ils les invitent ensuite à jouer deux fois à Manchester ce qui donne naissance à Warsaw (Joy Division), The Fall, et d'autres formations moins Punk mais tout aussi indépendantes et minimalistes comme A Certain RatioDans le tourbillon Sex Pistols naissent également Penetration, Adverts, Chelsea, Damned dont le batteur Rat Scabies sera roadie occasionnel des Sex Pistols, Generation X de Billy Idol, Siouxsie & the Banshees issus du Bromley Contingent (groupe de fans de la première heure) et Adam & the Ants dont le chanteur Stuart Goddard a partagé l'affiche avec les Pistols en 1975 lorsqu'il était bassiste de Bazooka Joe. Également très inspirés par les Sex Pistols, The Clash se forment après que Joe Strummer les ait vu en première partie de son groupe de Pub-Rock, les 101'ers, le 3 avril 1976. Ce soir-là, il comprend qu'il doit passer à autre chose. Fini le Pub-Rock, place au Punk-Rock.

Précisons que le Punk a touché d'autres pays que les trois précédemment cités, le Canada (Teenage Head, The Diodes), l'Écosse (Johnny & the Self-Abusers, futurs Simple Minds), La Belgique (Razors, Chainsaw, Hubble Bubble avec Plastic Bertrand), le Danemark (The Sods), la France (Lou's, Guilty Razors, Metal Urbain), l'Irlande (Undertones, Stiff Little Fingers), la Hollande (Cheap N'Nasty), etc. Le nombre de groupes, fanzines, disques, labels sortis de l'ombre entre 1975 et 1978 est incalculable.

Au niveau du look, le Punk laisse alors libre court à tout. Certains vont se créer une vraie identité comme les Ramones (perfecto, jean's troués aux genoux, baskets usés, t-shirts trop petits) ou les Sex Pistols (cheveux teints, taillés en pétard, t-shirt « Destroy », pantalon en cuir) et d'autres vont délirer un peu plus chaque jour, Captain Sensible des Damned monte sur scène habillé en infirmière ou en tutu avec bas résilles et doc martens montantes, quant à Siouxsie, elle sort habillée en maîtresse sado-maso avec porte-jaretelles en vinyl et brassard nazi. En Australie, le sujet reste plus vague, Radio Birdman ou The Manikins soignent l'image mais restent sobres et les Saints s'en moquent. Ce sont les Punks anglais qui, très vite, associent fringues et musique, comme les Mods avant eux. Certes, au départ, il y a McLaren et sa boutique, mais pas que cela. Le manager des Sex Pistols a toujours tiré la couverture à lui pour tout ce qui est lié au groupe. Il a très vite caché aux médias que John Rotten Lydon, lorsqu'il visitait la boutique en 74-75, avait déjà un look totalement hors norme pour l'époque: cheveux hirsutes teints en vert ou orange selon les jours, t-shirts déchirés dont le fameux I Hate Pink Floyd (je déteste Pink Floyd qui sera reproduit par McLaren et Vivienne Westwood pour la vente au magasin), pantalon coupe droite et bottes de moto peintes en vert pomme. McLaren a caché cela afin d'expliquer au monde qu'après avoir rencontré Richard Hell à New-York, il avait eu l'idée (encore lui!) de « fabriquer » un look pour les Sex Pistols. Légende urbaine qui court encore aujourd'hui. Les choses sont bien plus simples, les gosses américains et anglais se sont inspirés de la misère qu'ils voyaient chaque jour autours d'eux, ou que certains vivaient, et l'ont mêlée à leur envie d'aller à contre-courant de l'époque des bien pensants baba cools et de la morale des parents, d'où les t-shirts déchirés, les cheveux en pétard, les slogans et insignes provocateurs. 

Chez McLaren et Westwood au départ les vêtements étaient bricolés dans l'arrière boutique avec leurs copains dont Bernie Rhodes. Entreprise artisanale 100% DIY dont les Pistols bénéficiaient, au même titre que les Ramones ou Motörhead bénéficiaient du merchandising de leurs propres groupes. La différence, c'est que la plupart du temps, tout passe par des circuits spécialisés pour vendre t-shirts, badges etc. (les magazines musicaux, les concerts, et aujourd'hui internet), avec les Sex Pistols, en plus des concerts il y avait la boutique (en face de laquelle se trouvait BOY, magasin concurrent dans lequel on pouvait acheter la même chose). Circuit court, système différent.

Le look Punk de l'époque est également né du Rock N'Roll (blouson noir, jean's serrés, bottes ou creepers), des Mods (veste de costume, cheveux courts, chemise et cravate), du Glam, surtout David Bowie (cheveux hirsutes comme sur la pochette de Space Oddity) et du milieu gay (le t-shirt avec les deux cow-boys face à face qui n'est autre qu'un dessin de l'artiste homosexuel Jim French allègrement pompé par Westwood et McLaren).

A Londres, le 100 Club, plutôt habitué au Jazz, ouvre ses portes au Punk. Certains clubs sont créés pour l'occasion, dont le Roxy qui fermera au bout de trois mois et le Vortex. A New York, le CBGB's a un temps d'avance, Ramones, Dead Boys et tant d'autres sont devenus des habitués depuis quelques années déjà.

Des fanzines apparaissent : Punk, Sniffin' Glue de Mark Perry, Ripped and Torn, More On, Skum, Bondage de Shane MacGowan qui ne dépasse pas le numéro 1, Pin, en Hollande, fanzine du chanteur de Cheap N'Nasty, Herman de Tollenaere, Manchester Rains, du manager de Joy Division Rob Gretton, exclusivement consacré à Slaughter & The Dogs. Chacun est libre de faire ce qu'il souhaite, d'écrire ce qu'il veut, au format qu'il veut, quand il le veut etc. Des labels voient le jour, comme Fatal Records, créé par The Saints pour sortir leur premier single, New Hormones, le label éphémère des Buzzcocks, et Factory, celui de Tony Wilson à Manchester.

Près de 50 ans après, que reste-il?

Des punks à chien en treillis militaire qui ne font pas grand chose de leurs journées... certes, mais le Punk ce n'est pas ça. C'est au contraire être créatif, être Punk ou avoir un mode de vie Punk, c'est organiser des concerts de façon autonome, c'est former des groupes sans plan de carrière, c'est faire ses propres fringues, son fanzine, son blog, sa page internet, son label etc, bref, c'est être actif, c'est faire les choses avec trois bouts de ficelles et son argent de poche si nécessaire, mais c'est faire par soi-même, parfois de façon minimaliste et ne rien attendre des autres (Do it yourself!). 

Pour ceux qui souhaitent se renseigner sur le Punk anglais, l'ouvrage de référence est England's Dreaming de Jon Savage (que les journalistes de Rolling Stone considèrent comme une bible alors que leur hors-série spécial Punk sorti en 2016 est truffé d'erreurs. L'ont-ils lu?). Babylon's Burning, de Clinton Heylin, couvre la période 1970 - 1990 avec le Grunge de Seattle. Pour les Sex PistolsL'Histoire intérieure de Fred et Judy Vermorel, sorti en 1978 et réédité en 2011, c'est le seul livre à parler du groupe et de Sid Vicious au présent puisqu'il a été écrit en 1977. Également Day By Day de Lee Wood, en Anglais, mais assez facile à comprendre, il retrace l'histoire depuis The Strand en 1972 jusqu'à la séparation à San Francisco en janvier 1978. Worlds End, plus complet, couvre également la période Let It Rock/The Strand jusqu'en 78. Côté Ramones, Sur la route avec les Ramones de Monte Melnick et Frank Meyer est une mine d'informations, vous y trouverez tout ce que vous cherchez, les concerts, l'histoire, le témoignage des membres du groupe et de son entourage, des photos inédites etc. Sur le Punk US il y a bien Please Kill Me, mais attention certains témoins ont le sens de l'exagération et un ego assez boursouflé. Toujours pour les USA, le livre de James Stark, Punk '77, s'intéresse à la scène californienne avec Crime, Avengers, Nuns etc. Enfin, Le Massacre Des Bébés Skaï de Thierry Saltet retrace l'épopée des groupes anglais et français aux festivals de Mont de Marsan de 1976 et 1977. 


Fernand Naudin

Commentaires

Born Outta Time a dit…
Outstanding article. Some great thoughts on some of the same old subjects
and facts!! Cheers

Cordialement,
Born Outta Time

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