Malcolm McLaren: New York Dolls, Sex Pistols et le reste:
Une partie de cet article est parue dans le fanzine Dead Groll mais les pages d'un zine n'étant pas extensibles, il n'avait pas été possible de le publier dans son intégralité, que voici.
Malcom:
Malcolm McLaren voit le jour en Angleterre le 22 janvier 1946. Son père, catholique écossais, et sa mère, juive irlandaise, se séparent alors qu'il est encore très jeune. Elle se remarie à un négociant en textile, juif lui aussi, et crée peu à peu ses propres vêtements, ce qui va fortement influencer le jeune Malcolm.
Après une enfance passée dans les jupons maternels, il s'inscrit aux beaux arts et découvre le situationnisme qui devient quasiment sa religion. Il approche également les manifestants de Mai 68 à Paris et fait la connaissance de Jamie Reid, autre étudiant inspiré par le situationnisme, qui va jouer un rôle important dans l'esthétique punk en utilisant le style des lettres anonymes et le détournement pour les flyers, posters et pochettes de disques des Sex Pistols.
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Photo Daily Mirror 1972 |
King's Road et Let It Rock:
fin 1970, après avoir vendu des albums et reliques de Rock N'Roll sur un marché de Londres, McLaren loue l'arrière boutique d'un magasin de vêtements d'occasion, Paradise Garage, avec un ami et sa compagne, Vivienne Westwood. Il y restaure de vieilles radios et des Teppaz qu'il vend aux rockers locaux. Sa petite entreprise située au 430 King's Road, dans le quartier de Chelsea, connaît rapidement un nouvel essor.
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Photo David Parkinson |
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McLaren et Westwood en 1972. Photo David Parkinson |
Très créatif et très inspiré, le couple McLaren Westwood ne se limite plus aux costumes pour Teddy Boys, très vite il fabrique d'autres vêtements aidé par des amis dont Bernard Rhodes, futur manager de Clash. Parmi les nouveautés se trouve un t-shirt sur lequel est inscrit le mot 'ROCK' avec des os de poulet attachés par des chaînes et du fil de fer. Assez choquant pour l'époque.
Le 5 août 1972 a lieu le London Rock N'Roll Show sur la scène du Wembley Stadium, les légendes du Rock s'y succèdent, Chuck Berry, Jerry Lee Lewis, Little Richard, etc. ainsi que les teigneux MC5 qui auront plus tard une importance certaines aux yeux des jeunes punks.
McLaren loue un emplacement dans le stade pour y installer son stand Let It Rock et se faire ainsi une belle publicité. On l'aperçoit, avec sa casquette léopard, en présence d'une vendeuse aux allures de punkette avant l'heure, dans un très bon documentaire de plus de deux heures consacré à l'événement.
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The Rock N'Roll Show, Wembley 1972 |
New York :
En 1973, après un premier séjour à New York où il a fait la connaissance des New York Dolls, McLaren y retourne avec Vivienne Westwood pour présenter leurs créations. Malheureusement, personne n'est sensible aux vêtements proposés par le couple qui rentre à Londres, amer, et entreprend des changements au magasin.
Let It Rock devient Too Fast To Live - Too Young To Die, un slogan que McLaren a vu sur le blouson de cuir d'un motard new-yorkais. Un peu plus subversif, le magasin s'oriente vers des vêtements pour rockers et t-shirts provocateurs faits maison tout en finissant les stocks pour Teddy Boys. D'ailleurs, si l'enseigne a changé, le logo Let It Rock figure toujours en bonne place dans la vitrine.
En novembre 1973, les New York Dolls jouent à Londres avant de s'envoler pour la France. Ils rendent visite au couple dans leur boutique, les relations sont excellentes au point que Westwood et McLaren suivent le groupe à Paris pour assister à leurs concerts au Bataclan et à l'Olympia.
De leur côté, les gamins de Shepherd's Bush deviennent des visiteurs réguliers du magasin, mais sans un sou en poche, ils ne viennent que pour discuter, parler de leur groupe et parfois voler quelques bricoles, surtout Jones qui est un vrai cleptomane
Début 1974, Glen Matlock, vendeur occasionnel au magasin, fait la connaissance de Cook et Jones et intègre le groupe après une démonstration de basse dans la chambre de 'Wally' Nightingale sur un titre des Faces. Peu à peu, les futurs Sex Pistols (qui se nomment alors The Strand) prennent forme, mais celui qui deviendra plus tard leur manager ne s'y intéresse pas plus que ça, malgré les demandes incessantes de Jones pour qu'il s'occupe d'eux.
Au printemps, McLaren et Westwood rebaptisent une nouvelle fois la boutique. SEX vend toujours quelques vêtement et ustensiles pour Rockers mais s'oriente de plus en plus vers le fétichisme, t-shirts en latex, cagoules en cuir, etc.
New York … Dolls
Début 75, nouveau séjour aux States. New York, le Max's Kansas City et les Dolls. Les Dolls sur le déclin, fatigués, drogués, en fin de course. Dans une interview accordée à un magazine français en 1977, Johnny Thunders affirme que le groupe en avait assez de s'habiller en poupées et cherchait des idées pour faire à nouveau sensation. Se vêtir de cuir rouge est alors devenu le nouveau truc. Contrairement à la légende tenace qui raconte que l'origine est à chercher du côté de McLaren, l'idée vient en fait du groupe lui-même après qu'il ait écrit une nouvelle chanson, Red Patent Leather. David Johansen le confirme dans le livre Too Much Too Soon de Nina Antonia:
'Parce que Red Patent Leather était une bonne chanson, on a pensé qu'on devait l'utiliser comme notre gimmick, notre truc, tu vois (…) on a pensé 'Hey, habillons nous en cuir rouge !'. C'était pas l'idée de Malcolm, c'était notre idée'. (Too Much Too Soon Éditions Omnibus Press).
McLaren veut les aider. Il est séduit par ce projet de cuir rouge et propose de faire fabriquer les vêtements par Vivienne Westwood, restée à Londres pour tenir la boutique avec Bernard Rhodes et quelques amis. Le groupe accepte, ce sera simplement des pantalons et des t-shirts de cuir rouge vernis, pour coller parfaitement au titre de la chanson Red Patent Leather. Précisons ici que rien n'est imposé par Malcolm, les New York Dolls ne deviennent pas les marionnettes de ce 'manager' qui, en fait, ne l'a jamais été. De l'aveu même de Sylvain Sylvain, il n'y a jamais rien eu de signé entre le groupe et le rouquin londonien. D'ailleurs, ce dernier est convoqué par les vrais managers des Dolls, Leber et Krebs, lorsqu'ils apprennent qu'il organise des concerts au Little Hippodrome de New York fin février et début mars 1975 pour aider ses amis. L'anglais n'a que faire de ces deux loustics et ne les rencontre pas. Il continue sur sa lancée, Westwood fournit les vêtements rouges et il propose d'ajouter un drapeau communiste derrière le batteur, Jerry Nolan, pour les concerts. Pur esprit de provocation dans un pays dirigé par des conservateurs (Nixon vient de quitter la présidence pour laisser la place au républicain Gérald Ford), l'idée n'est pas des plus lumineuses mais le groupe ne s'y oppose pas.
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Sylvain Sylvain et la Gibson que McLaren offrira à Steve Jones |
Une tournée est organisée en Floride par le cousin de Sylvain Sylvain, Roger Mansoeur. Là aussi, il faut rétablir une vérité car encore une fois, la légende raconte que McLaren, obsédé par le sud des USA, veut envoyer le groupe jouer là-bas pour se frotter aux cow-boys réac' anti-communistes et déclencher des scandales. Mais il n'a aucun réseau à cette époque, aucun contact, il n'est manager que de lui-même et de sa boutique. C'est Sylvain Sylvain qui demande à son cousin Roger d'organiser une tournée car ce dernier, musicien, connaît du monde, contrairement au petit commerçant anglais.
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Drapeau soviet' 100% provoc. Crédit photo Bob Gruen. |
'Lorsqu'ils sont venus à Londres (les New York Dolls) c'était amusant de bavarder avec eux car ils avaient toujours une petite histoire pour t'expliquer qui était vraiment Malcolm, et bien sûr, ça ne jouait pas en sa faveur. S'il y avait un homme qui n'avait vraiment rien fait du tout, c'était Malcolm. Ils te disaient : 'il propose juste quelques idées débiles mais rien qui puisse vraiment être utile' (John Lydon 'La Rage Est Mon Energie' éditions SEUIL).
Johnny Thunders et Jerry Nolan rentrent à New York et Malcolm McLaren à Londres avec la Gibson Les Paul de Syl Sylvain qu'il va plus tard offrir à Steve Jones.
Sex Pistols :
Londres où il va enfin s'occuper du petit groupe de jeunes qui viennent le voir au magasin, The Strand, devenus les Swankers, avant leur nom définitif, Sex Pistols. Un nom inventé par Bernard Rhodes pour un t-shirt sur lequel sont listés des gens 'bien' comme Eddie Cochran, et d'autres moins fréquentables, comme Mick Jagger. Parmi les gens 'bien' se trouve le nom d'un groupe imaginaire, Kutie Jones and his Sex Pistols. Pas si imaginaire que ça, Rhodes fait allusion aux Swankers et à Steve Jones, le chanteur qui va bientôt passer guitariste.
Ensuite, l'idée de Malcolm est d'intégrer le journaliste du NME, Nick Kent, à la guitare 'lead', histoire que le groupe obtienne de bons articles dans la presse, et un chanteur New Yorkais qui a déjà de l'expérience. En quittant les USA, il a proposé à Sylvain Sylvain de le rejoindre en Angleterre mais celui-ci préfère suivre David Johansen au Japon. Il pense alors à Richard Hell, Iggy Pop, ou, pourquoi pas, Johnny Thunders.
En fait, Nick Kent fait un passage éclair dans les Swankers qui ne le supportent pas. Trop égocentrique, trop défoncé, trop Keith Richards, trop pénible, trop tout. De l'aveu de Jones, Kent n'a jamais vraiment fait partie du groupe, il venait faire un tour aux répétitions parce que Malcolm lui avait demandé de venir et sortait sa guitare de temps à autres pour faire le malin mais ça s'arrêtait là. Il prétendra pourtant avoir été membre des Sex Pistols (!!!), quand ceux-ci ne s'appelaient pas encore ainsi, et en être parti au bout de plusieurs mois car rien n'avançait... La bonne blague. Feu Marc Zermati affirmera même que les Sex Pistols était le groupe de Kent... une histoire grotesque, comme toujours avec Zermati. Quoi qu'il en soit, le journaliste du NME gardera une haine féroce envers McLaren et son gang, allant jusqu'à amplifier son altercation avec Sid Vicious, alors simple fan du groupe, bien avant qu'il n'en devienne le bassiste, et ce afin de détériorer l'image des Sex Pistols. Bon nombre de personnes ont raconté des histoire farfelues à propos des Pistols, Michael Memmi, ancien des Frenchies, prétendra des années durant avoir refusé à Malcolm McLaren de produire le groupe après la session Spedding. Le problème pour croire Memmi, c'est qu'aucun bouquin sérieux ne parle de ça et Spedding avait déjà fait tout le travail auprès de Chris Thomas pour produire le premier single. Pourquoi McLaren serait-il allé demandé une chose pareille à Memmi alors que c'est lui-même qui avait insisté auprès de Spedding pour produire les Pistols et pour l'aider à entrer chez EMI? Spedding qui avait ses entrées un peu partout dans le monde des majors anglaises. Une histoire qui ne tient pas debout.
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Lydon en 1975, pull troué, avant les Sex Pistols. Photo David Crowe |
Le chanteur américain, quant à lui, ne viendra finalement jamais et de toutes façons, les Swankers veulent un jeune qui débute, comme eux. Ce jeune, c'est John Lydon, baptisé 'Rotten' par Steve Jones à cause de son attitude qu'il juge pénible et de sa dentition pourrie. Il y a longtemps que Bernie Rhodes l'a remarqué sur Kings Road, avec ses cheveux en épis verts ou oranges selon les jours et ses vêtements déchirés. Il fait sensation à la boutique en portant un t-shirt de Pink Floyd qu'il a découpé par endroit et sur lequel il a ajouté I HATE en rouge. Jones et Rhodes conseillent à McLaren de lui parler de la place de chanteur à pourvoir. L'audition du 'pourri' se déroule dans des conditions peu conventionnelles, devant le juke-box du magasin en revenant d'un rendez-vous avec le groupe et le manager dans un pub. Certains racontent que la première vraie répétition devait avoir lieu au local du groupe et que celle-ci était juste une blague après avoir bu quelques verres. Quoi qu'il en soit, une fois dans le magasin, Rotten choisit de passer le single Eighteen d'Alice Cooper, se contorsionne, fait des grimaces et beugle des paroles imaginaires.
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'Rotten' et son t-shirt I Hate Pink Floyd |
Sex et Seditionaries:
Désormais, la boutique s'appelle donc SEX et propose, en plus des créations du couple, des accessoires SM, du vinyle, du cuir et des broches et brassards nazis, symboles d'une certaine décadence des 70's mais aussi accessoires fétichistes utilisés par les dominatrices sado-maso. On peut également y voir, pour McLaren, une façon de se rebeller contre sa famille juive. Rien de politique, en tous cas puisque le couple Westwood McLaren ainsi que le groupe sont de gauche.
Parmi les T-shirts, des modèles font sensation, il y a bien sûr celui avec Kutie Jones & his Sex Pistols (en rapport avec le nouveau nom du magasin), un autre avec des seins de femme (copié sur celui que porte Charlie Watts sur la pochette de Get Yer Yaya's Out), le Cambridge Rapist (violeur de Cambridge) avec cagoule en cuir et paroles Hard Days Night des Beatles, ou encore un modèle avec un basketteur noir totalement nu tenant un ballon dans les mains (photo prise dans un magazine gay US). Mais le plus connu à ce moment-là est celui des deux cow-boys face à face, pantalon aux chevilles et 'poutres apparentes' (un dessin de l'artiste gay américain Jim French). Ce modèle est involontairement popularisé par un client de la boutique, Alan Jones, qui vient de l'acheter et le porte sur Kings Road. La police l'arrête, jugeant le t-shirt totalement obscène, et l'affaire se termine au tribunal. Cela fait un peu de bruit dans les journaux, McLaren se réjouit de cette publicité inattendue. Le dessin qui y figure peut, encore aujourd'hui, paraître choquant, obscène, irrévérencieux, mais il mettait en lumière l'homosexualité dans un pays qui la considérait encore illégale, un pays où les personnes qui souhaitaient vivre librement leur sexualité risquaient la prison ou pire. Ce t-shirt a dû choquer les conservateurs réactionnaires, les mêmes qui, parfois, fréquentaient secrètement les gays.
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Steve Jones et le t-shirt des 2 cow-boys. Crédit Mick Rock |
Nous sommes fin 1975, les Swankers s'appellent Sex Pistols depuis l'été et leurs premières répétitions avec John 'Rotten' Lydon. Ils font leurs premières armes dans des universités, le manager les laisse se débrouiller pour le moment afin de se consacrer au magasin. Au début de l'année suivante, un autre événement inattendu va aider le groupe et McLaren. Les Pistols font parler d'eux dans la presse musicale grâce à la première partie d'Eddie & The Hot Rods au Marquee. Un journaliste du NME écrit un article élogieux alors qu'ils sont encore totalement inconnus. Deux gamins de Manchester le lisent et décident de se rendre à Londres pour voir le groupe. Ils sympathisent avec McLaren qui n'en croit pas ses yeux : deux gosses ont fait le déplacement depuis Manchester pour voir le groupe ? Pour lui qui ne s'intéresse pas franchement à ses poulains, c'est incroyable. Après avoir assisté à deux concerts, les deux jeunes mancuniens conviennent avec McLaren de faire jouer le groupe dans leur ville natale, au Lesser Free TradeHall. Ces concerts ont lieu le 4 juin et le 20 juillet et vont avoir un impact important pour la ville, tout d'abord, mais aussi pour l'histoire de la musique. Des groupes se forment, un label est créé (Factory), la ville bouge enfin.
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Article du NME à propos du concert au Marquee |
Il s'agit de donner la chance aux groupes locaux de mieux se faire connaître, et bien sûr, de faire parler de lui, des Pistols et de la boutique. Et pour l'occasion, il lui faut des groupes, par conséquent il va se montrer plutôt sympa avec certains en leur donnant un gros coup de pouce. Il paye des heures de répétitions à Subway Sect, à peine formés, afin qu'ils puissent participer au Punk Special et accepte la proposition d'une cliente de la boutique, Susan Ballion, qui veut participer également alors qu'elle n'a pas de groupe. McLaren est ok, elle doit simplement trouver des musiciens pour l'accompagner et elle aura sa place sur l'affiche. Ainsi, le 20 Septembre 1976 et sans avoir vraiment répété, Siouxsie & the Banshees fait ses premières armes avec un certain Sid Vicious à la batterie, pour 20 minutes de cacophonie qui resteront dans les annales du punk anglais.
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Bootleg LP apparu fin '80 |
Peu après avoir été signés par la plus grosse maison de disques anglaise, EMI, le groupe va scier la branche sur laquelle il est assis, au grand dam du manager. Le 1er décembre 1976, il déclenche l'hystérie lors d'une émission TV en insultant le présentateur Bill Grundy. Rétablissons encore une vérité: rien ici n'a été orchestré par McLaren. Le groupe, en train de répéter pour l'Anarchy in the UK tour qui doit débuter le 3 décembre, remplace Queen au pied levé dans l'émission Today de la chaîne Thames TV. Pendant que McLaren prévient les journaux depuis ses bureaux, les Pistols et quelques amis attendent dans un salon de la chaîne de TV avec alcools à volonté. Le résultat est inévitable, au moment de l'interview, le groupe est aussi soûl que le présentateur Bill Grundy (connu pour son addiction au whisky). Grundy est très agacé de devoir présenter ces jeunes 'punk-rockers', comme il l'annonce, dont il ne connaît rien et pour lesquels il n'a pas eu le temps de vraiment se préparer. Alors il opte pour la facilité, la provocation, les questions débiles et obtient ce qu'il cherche, le scandale. Steve Jones, très imbibé, l'insulte copieusement à la fin de l'émission et tout le monde doit fuir les studios avant l'arrivée de la police. Dire 'fuck' à la télévision anglaise à l'heure du thé, en 1976, est lourdement condamné. Le lendemain, les Sex Pistols font la une des journaux et Grundy est suspendu.
'2 Décembre 76 : arrive au bureau pour trouver James Johnson (Evening Standard) et un million d'autres journalistes au bout du fil. L'histoire de la TV fait la une des journaux. Agacée que tant de gens imaginent que tout ça a été planifié. Malcolm est abasourdi. Je l'emmène dans un café pour préparer un communiqué de presse.' (L'histoire intérieure de Fred et Judy Vermorel. Extrait du journal de Sophie Richmond, secrétaire de McLaren pour la société de management des Sex Pistols, Glitterbest).
L'Anarchy In The UK tour a finalement très bien porté son nom puisqu'une douzaine dates ont été annulées et qu'il s'est soldé par une perte de £10,000 pour McLaren qui s'arrache les cheveux et devient la risée des groupes de la tournée. Ajoutons à cela qu'EMI rompt le contrat début janvier 77 et la coupe est pleine. Seule bouffée d'oxygène pour McLaren, la major lui fait un chèque de £40,000 qui lui est dû par contrat et qui rembourse très largement les pertes de la tournée.
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Seul disque des Sex Pistols chez EMI |
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Double LP live à San Francisco |
Après la séparation du groupe, en janvier 78, McLaren exploite le filon punk jusqu'à l'overdose avec une poignée de singles qui n'ont de Sex Pistols que le nom pour la B.O. du film réalisé par Julien Temple, La Grande Escroquerie Du Rock N'Roll. Une fiction dans laquelle il fait passer le groupe pour un boys band et lui pour un génie de l'arnaque, 'l'argent du chaos' peut-on lire sur un de ses t-shirts. Mais l'argent, finalement, manque terriblement, au point de devoir taxer Barclay et Virgin Records qui finissent par refuser d'en donner toujours plus. La fin du règne approche, et le boys band n'existe que dans les fantasmes de l'artisan manager McLaren.
'Je n'ai pas eu à me fringuer en caoutchouc une fois le groupe connu du public. Malcolm et Vivienne ne nous ont jamais dit de porter quoi que ce soit en particulier, on prenait ce qu'on voulait et ils nous faisaient payer ou pas' (Steve Jones, Lonely Boy - Ma vie de Sex Pistol éditions EPA)
'On avait travaillé les idées et nous étions arrivés à ce concept d'escroquerie : dix leçons que Malcolm allait donner (…) rendre crédibles des choses incroyables en mentant, en exagérant certains faits, en les déformant, pour transformer Malcolm en un individu calculateur qui réfléchit et planifie tout, le cerveau qui organise tout dans les moindres détails' (Julien Temple, L'histoire intérieure, éditions Le Mot Et Le Reste, à propos du film La Grande Escroquerie du Rock N'Roll)
'L'idée de La Grande Escroquerie Du Rock N'Roll était que les choses fausses devaient paraître vraies et vice versa' (interview de Julien Temple, Record Hunter, Mars 1994)
Les détracteurs des Sex Pistols, les incultes et les fans les plus naïfs, prennent ce film pour argent comptant, convaincus qu'ils tiennent là un boys band punk et que McLaren est un génie, le gourou créateur de la punkitude anglaise.
Finies les 70's, fini le rêve:
Mars 1978, Warner Bros veut recoller les morceaux. Une réunion est organisée dans les bureaux de Los Angeles avec les patrons de la maison de disque, Malcolm McLaren et John Lydon. Ce dernier vide son sac, reproche tout à McLaren et pose une seule condition pour revenir au sein des Sex Pistols : avoir le droit de regard sur le film à venir, La Grande Escroquerie du Rock N'Roll. McLaren refuse, Rotten claque la porte, c'est terminé. Les Pistols sont enterrés pour de bon.
En 1979 débute un procès intenté par Lydon à McLaren qui le perd après de très longues années de procédure et perd tous les droits qu'il avait sur le nom du groupe, le pseudonyme Rotten du chanteur et les disques sortis. Si Lydon lui fait un procès, c'est parce que le contrat qu'il a signé à la hâte, le soir du Punk Special de 1976, est totalement véreux et donne tous les droits au manager. Lydon veut donc récupérer son dû. Les trois autres Pistols le suivent dans sa démarche.
Ses 80's débutent difficilement à cause du procès, mais il rebondit assez vite en devenant très brièvement manager et producteur d'Adam & The Ants qui lance le look pirate confectionné par Westwood et lui-même. Les Ants s'en vont peu après former Bow Wow Wow que McLaren manage et qui ont droit à un hit dans les charts anglais, C30 C60 C90 Go !. Un des choristes s'embrouille avec lui et c'est bien dommage pour son compte en banque car ce choriste n'est autre que Boy George qui aurait pu ramener pas mal d'argent à l'auto-proclamé arnaqueur McLaren. Argent qui va commencer à manquer car Vivienne Westwood et lui se séparent, elle garde la boutique et lui ne va plus rien toucher sur les ventes de fringues. Et puis, il y a le procès Lydon qui se termine en 1986 et le prive donc de tout droit et revenu liés aux Sex Pistols.
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Crédit photo: Bob Gruen |
'Mardi 30 Novembre 1976 :Malcolm commence à se demander si EMI ne néglige pas délibérément la distribution du disque (…) L'ennui, c'est que dans une entreprise comme EMI, il n'y a jamais de responsable. Un type vous donne son opinion et vous vous apercevez après que cela concerne le bureau d'un autre. Malcolm est piégé dans d'interminables conversations qui tournent en rond et il semble fatigué' (L'Histoire Intérieure, éditions Le Mot Et Le Reste de Fred et Judy Vermorel. Extrait du journal personnel de Sophie Richmond, secrétaire de McLaren pour Glitterbest).
Finalement, les Sex Pistols sont le seul vrai succès qu'il aura rencontré, car avant eux et après eux, McLaren n'a jamais eu beaucoup de chance, sa vie est une succession d'échecs et de problèmes financiers depuis l'ouverture de la boutique jusqu'à son dernier album solo, Paris, sur lequel il avait pourtant invité des parisiennes célèbres, Deneuve et Hardy, afin de le promouvoir et le vendre au mieux.
C'est vers la fin de sa vie qu'il se montre lucide, s'autoproclamant le 'mis-manager' (manager raté) lorsqu'il est question de son travail avec les Sex Pistols, un travail d'amateur à qui la chance a souri, pour une fois. Un apprenti manager tombé sur le bon groupe au bon moment.
Monster On Your Back
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